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Arabe, & Grec, ha prins argument de le nommer Apus, suyvant l’opinion du vulgaire, qui dit que cest oyseau se nourrist de vent en l’aer, sans jamais descendre ne sur arbre, ne sur terre. C’est errer de le nommer Apus : car Aristote au trentiesme chapitre du neufiesme livre des animaux ha ainsi nommé les grandes Hirondelles criardes, qui nous sont communes : par lesquelles lon peut monstrer que ce nom luy est mal imposé. Et pour prouver qu’Aristote n’ha cogneu cest oyseau, metrons ce qu’il en dit au premier chapitre du premier livre des animaux. Animal, quod volucre tantum sit, ut piscis solum modo natatile est, nullum novimus. Nous trouvons des autheurs historiens, qui à nostre advis ont aussi nommé cest oyseau Rhyntaces : duquel ha esté escrit en ceste sorte : Apud Persas avidula gignitur nomine Rhyntaces, in qua nihil invenitur excrementi, sed interna omnia adipe plena. Quo fit ut eam aëre atque rore solum nutriri arbitrentur. Parquoy si estions entrez en opinion que cestuy-cy fust le Phenix ce n’ha esté sans cause : car sçachant bien qu’Herodote, qui estoit long temps avant Aristote, & les autres autheurs Grecs, & Romains en ont parlé, il est tout manifeste, que ce que les autheurs Latins, & Grecs, qui sont venuz depuis luy, en ont dit de bon, ha esté extraict dudit Herodote. Et toutesfois Aristote, qui ha leu les livres d’Herodote, n’ha fait aucune mention du Phenix. Tout ce que Pline ha escrit du Phenix au second chapitre du dixiesme livre de l’histoire naturelle, parlant de Manilius senateur, est prins d’Herodote : toutesfois Herodote mesme dit n’en avoir veu qu’en peinture. Donc s’il estoit ainsi qu’il n’y eust qu’un Phenix en ce monde, il auroit esté difficile de le faire mettre en peinture, comme disoit Herodote. Lactance, Claudian, Ovide en ses metamorphoses, Solin, & plusieurs autres ont parlé du Phenix. Or Phenix est de diverses significations : car c’est aussi le nom d’une herbe. Soit que nous lisons en la vie de certains Empereurs qu’ils en ont veu vivre en Arabie, cela ne peut engarder qu’il n’y en puisse aussi avoir ailleurs. Le plumage du Phenix (au recit d’Herodote, dont Manilius l’avoit transcrit,) doit estre comme doré, c’est à dire de couleur Phenicee : car c’est de lá, dont le Phenix ha prins son nom, pour la couleur de datte. Ce que ledit Pline ha amplement declaré au quatriesme chapitre du treziesme livre de l’histoire naturelle, parlant de la Palme, en ceste maniëre : At in meridiano orbe pracipuam obtnient nobilitatem Syagri, proximamque Margarides. Et puis apres dit : Una earum arbor in Chor a esse traditur, una & Syagrorum : mirumque de ea accepimus, cum Phoenice ave, quae putatur ex huius Palmae argumento nomenaccepisse, emori acrenasci ex seipsa (quod erat prius) pomis refertam. Il n’est donc impertinent, que l’oyseau, dont Herodite ha parlé, le nommant Phoenix, n’ait par un autre esté nommé Rhyntaces. Ce corps de plumes, duquel parlons n’ha point de pieds : mais nature voulant supplier à ce defaut, ha fait qu’il ha comme deux plumes en chasque costé de la queuë, qui sont longues d’un pied, & recrochees par le bout, & fort dures, desquelles il se pend aux arbres. Nous les avons aussi trouvees en une espece de Barbeau du nil. Nature ha ainsi fait au Phenix pour eviter les inimitiez des bestes qui vivent es païs, ou il se nourrist. Lon met en doute comment la femelle peut couver ses œufs. Parquoy plusieurs pensent qu’elle les mette sur le dos du masle, & qu’elle les couve dessus luy. Les autres dient autrement, pensants qu’il amasse des buschettes, que le Soleil allume par sa chaleur, & que de la cendre il s’engendre un verm, duquel le Phenix est puis apres engendré. Pline parlant des oyseaux, ha fait si grande estime du Phenix, qu’il