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LE PREMIER LIVRE DE L’HISTOIRE DE LA NATURE DES OISEAUX,

avec leurs descriptions, & portraictz retirez du naturel, Par Pierre Belon du Mans.

QUEL DOIT ESTRE LE PRINCIPAL DEVOIR de l’homme sçavant, & quelle chose est science : avec un sommaire contenant les principaux articles de ce present œuvre.
CHAPITRE PREMIER.


NOUS sçavons combien plusieurs qui voudroyent avoir incontinent comprins toutes choses sans y travailler, aiment la briefveté des escripts : & combien elle est odieuse à aucuns, qui pour le desir qu’ils ont de les comprendre, ne se sentent molestez de les lire. Parquoy voulants satisfaire à tous deux, & sçachants bien que celuy qui monstre à autruy, est en mesme comparaison que celuy qui enseigne, c’est à dire que comme l’un s’estudie d’enseigner briefvement, & ne laisser en arriere chose à ce necessaire, & aussi que l’autre voudroit avoir apprins en brief : tout ainsi serons que celuy qui desire briefveté, ne se sentira fasché de la prolixité, ne au contraire celuy qui aime la prolixité, ne trouvera default en ce qu’avons proposé enseigner. Et pour faire apparoistre que les anciens ont frustré leur posterité de beaucoup de biens par leur trop brief parler, & aussi quelques autres l’ont ennuyee pour avoir esté si longs : l’exemple en est de plusieurs choses que beaucoup de gents ignorent, & principalement celles que nature nous ha produictes des elements. Car ceulx qui estimoyent que le principal devoir d’un Philosophe estoit d’appliquer son esprit sur la congnoissance des choses hautaines, lesquelles il fault contempler par imagination, eussent pensé faire corvee de specifier une chose ja vulgaire & cogneuë de chasque villageois. Mais tout ainsi que la science ha diversité en soy, aussi le sçavoir est diversement distribué à divers esprits. Lon trouve escript en l’histoire Grecque, qu’un tresrenommé Philosophe qu’on appelloit Democritus, approuvé sage de touts autheurs anciens, se priva voluntairement de la lumiere de ses yeulx, sans avoir aucune autre occasion evidente de ce faire, sinon que se voulant delivrer des empeschements qui adviennent à ceulx qui voyent clair, pensa que les discours qu’il pretendoit faire à son plaisir, en seroyent plus hautains & exquis, & auroit son esprit plus à delivre, s’estant osté l’empeschement qui provient par la lumiere des yeux. Aristote à reduit toute maniere de Philosophie jusques à son hault poinct, & mise à son dernier