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plaines de France, qu’on y voit aportees en cage, & renduës privees : car mesmement le Roy Françoys amateur & curieux des choses vertuëuses, en ha autresfois tant estimé le chant, qu’il s’en delectoit autant ou plus que de nul autre oyseau. Le chant de cest oyseau solitaire estant doux, & peu violant, en est trouvé de bonne grace, attendu qu’il chante aussi bien la nuit comme le jour, au moins quand il voit la clarté de la chandelle. Et ne luy sçachants aucun nom ancien, avons seulement mis le moderne. Pour ne dissimuler le bien dont il vient, & le sçavoir des personnes, advouons que comme M. Jan Brinon, seigneur de Villaines, nous ha aidé en noz necessites, lors qu’estions en ce prochas, selon qu’il est liberal envers toutes personnes qui s’adonnent à choses vertueuses : aussi M. Loys Chesneau, qu’on nomme Querculus, principal du college de Tours à Paris son precepteur, & lecteur public en Hebreu, nous ha communique maints bons passages des escritures sainctes sur ceste matiere de noz oyseaux, qui autrement nous eussent esté difficiles. Il est d’opinion, selon qu’il apert en ses commentaires sur certains endroits de la Bible, que pour Passer solitarius, lon pourroit entendre tout oyseau solitaire : comme qui diroit, Avis minime gregalis : ou si lon pouvoit dire Avis solivaga.

De la grande Grive, qu’on nomme autrement à Paris de faulx nom, une Calandre.
CHAP. XXXI.


LA DIFFICULTE que chacun qui parlera des oyseaux trouvera en la Grive, sera soudain esclaircie, moyennant qu’on en constituë trois especes, à la maniëre des Grecs, & Latins. Ceux de Paris au lieu de nommer l’espece la plus grosse de son nom propre une Grive, l’appellent une Calandre : mais c’est par erreur. Il est manifeste que la Grive ha ainsi esté appellee de sa couleur : car encor pour le jourd’huy disons une chose grivelee, quand nous la voyons estre tachee de noir sur le gris, ou autre telle couleur. Aussi n’y ha il oyseaux plus madrez devant l’estomach, que sont les Grives : mais elles ne sont pas ainsi dessus le dos : car ne la teste, ne le col, ne les aelles n’ont enseignes. Les habitants du Lionnois la nomment une Ciserre. La grosse surnommee Calandre, laquelle Aristote compare en grandeur à la Pie, tient le premiër lieu en ce genre. Il y en ha trois especes, qui sont cogneuës, & distinguees de propres noms Françoys : car apres celle qu’ils nomment la Calandre, qui est la vraye Grive, est cogneuë l’autre espece, qu’ils nomment simplement Grive, tiercement le Mauvis, quartement la Litorne ont esté nommez d’un seul nom Grec Ciclae, & des Latins Turdi : Mais Aristote les yant specifiez au vingtiesme chapitre du neufiesme livre des animaux, attendu que la Grive vivoit de Guis, par ce la surnomma Viscivorum. L’autre ha esté nommee de nom Françoys simplement Grive, & aussi Litorne, & en Latin Pilare. Le Mauvis est le moindre qui ha esté nomme Iliacum. La Grive surnommee Calandre est moins commune, que les deux autres moindres especes : car elles apparoissent la plus part de l’annee, au contraire de la premiëre espece, qui nous apparoist seulement en l’hyver. On les garde en cage, pource qu’elles chantent plaisamment,