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par les bouts. Les jeunes ont le bec de couleur de corne, quasi aussi long & large, & quelque peu courbé en faux, comme celuy du Merops, & qui devient rouge en vieillissant, ainsi comme au Merle. Les plumes de ses aelles & queuë sont brunes, bordees de tanné. Les Merles vont à grandes troupes en toutes saisons de l’annee, fors qu’au temps qu’ils nourrissent leurs petits. Ils font leurs nids dedens les creux des chesnes par les forests, ou dedens les pertuïs des haultes tours. Et pource qu’en prenant leur pasture ils mangent indifferemment toutes sortes de viande, ils font moult grands dommages sur les vignobles. L’observation du masle à la femelle sert beaucoup pour les avoir bien chantants : car la femelle n’apprend si bien à parler, que le masle. Parquoy pour les discerner, on leur regarde la langue. Les masles l’ont poinctuë par le fin bout, mais les femelles l’ont fourchee. Les jeunes sont si semblables à un jeune Merle, qu’on ha peine à les cognoistre. Et pource qu’on en prend grande quantité, on ha acoustumé de les avoir en delices. Les Medecins modernes accordent qu’ils sont de gros aliment. C’est merveille si les anciens n’en ont parlé. Les oyseleurs, qui en ont prins en vie, leur attachent quelque long fil aux jambes, bien englué, & allants vers une grosse trouppe d’Estourneau, le laissent voler parmy les autres : celuy qui emporte ce filet englué, s’entre-mesle avec les autres, & est cause d’en engluer quelquesfois une douzaine pour un coup, qui tombent à terre avec luy : car ils volent pres à pres l’un de l’autre. Quelquesfois l’Esmerillon s’essayant d’en prendre quelcun de leur troupe, donne plaisir à ceux qui regardent le combat : car encor qu’il se mette au milieu de la volee, la multitude l’empesche, qu’il n’en peut chosir aucun. S’il les trouvoit seul à seul à l’escart, il en viendroit à bout bien aysement : mais ils volent en troupe pour plus grande seureté.

De la Paisse solitaire.
CHAP. XXX.


LES hommes, qui font leur residence en un lieu, ne peuvent avoir l’intelligence des choses qui sont esloignees d’eux, s’ils ne l’ont par escrit. Il y ha un milion d’hommes excellents en toutes sciences, vivants pour le jourdhuy en divers lieux, & doctes es langues, qui en leur vie ne virent lieu precipiteux, & ne se sont trouvez en passage dangereux, qui ne laissent pourtant à bien parler de toutes choses : entre lesquels si tenions propos de l’oyseau dont pretendons maintenant parler, possible qu’ils en voudroyent estre creuz : tant chacun presume de son sçavoir. Nous deduisons maintenant un oyseau que le vulgaire ha voulu nommer une Paisse solitaire. Si maintenant nous voulons enquerir la raison, il ne sera trop difficile de la trouver : c’est que les habitants des lieux abismez entre les montagnes, trouvants un certain oyseau faire son nid es precipices des rochers, l’ont jugé solitaire. Et pource que ce passage de l’escripture, qui est au Psalme de David cent & uniesme, ou il est dit, Passer Solitarius in tecto, est commun à plusieurs : tout ainsi leur ha esté facile imposer tel nom à un oyseau, qu’ils cognoissent aimer à se tenir au desert. Au commencement que le veismes, le pensasmes