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races de Pigeons assez communs en Italie, & rares en France. Lon en trouve une espece qui sont grands comme Poulles : mais qui penseroit que les anciens ne les eussent cognuz, seroit trompé : car Pline dit qu’on les avoit aussi anciennement à Rome : escrivant au lieu susdit, en ceste maniëre. Quin & patriam nobilit avere, in Campana grandissimae provenire existimatae. Parquoy pensons que ne faudrons de nommer tels grands Pigeons, à l’imitation de Pline, Columbas Campanas. Les Pigeons ont cognoissance de touts les oyseaux de proyë : car lors qu’ils les aperçoyvent, cognoissans ceux qui prennent leur pasture en volant, ne se bougent : & si ce sont de ceux qui prennent leur pasture en terre, ils le gaignent à fuïr. Et en volant font bruit de leurs aelles, frapants des plumes par dessus le dos les unes contre les autres : ce qu’on les juge faire en signe de mespris de leur ennemy. Mais iceluy usant de plus subtil moyen, & se tenant caché entre les arbres fueilluz, les ravist à la desrobee, les punissant de leur trop grand orgueil. Les Cresserelles ont amitié avec les Pigeons : parquoy entreprennent souvent leur querelle, & les deffendent des oyseaux, dont ils sont assaillis. Ils s’entretiennent masle & femelle sans s’entremettre avec les autres, recognoissants tousjours leur premiëre demeure, n’estoit que l’un d’eux fust trespassé. La distinction des masles, est telle, que les jeunes ne couvrent les femelles, qu’ils ne les baisent à chacune fois : mais les vieux baisent la premiëre fois seulement, ne laissants de reïterer tel devoir sans se baiser. On les voit rouër entour elles, espanouïssants leurs queuës, & chanter infiniës chansons, & mille prieres amoureuses, & toutesfois l’amour des femelles est esgale envers eux. Ils se combatent pour elles, & de grande asseurance s’entredonnent des coups de leurs aelles par la teste, & se arrachent des plumes les uns aux autres. Aristote au sixiesme livre des animaux chapitre second, nous est autheur, que quelquesfois les femelles s’entresaillent en deffault du masle, & s’entrebaisent au paravant, & que combien que l’une n’envoye rien en l’autre, elles font des œufs plus que si c’estoit du masle : toutesfois ils sont inutiles, & desquels ne se peut esclorre aucune chose : car nulle femelle ne peut engendrer animal vivant, sinon par la conjonction du masle. Voila donc cinq especes qu’on attribuë aux Pigeons : c’est à sçavoir, Ramiërs, Bisets, Fuyards, Turtrelles, & Pigeons privez. Quelquesfois les Poëtes Grecs prennent Pelias, pour signifier les Pigeons. Varro, & tels autres, qui ont escrit des choses villageoises, ont entendu deux especes principales des Pigeons : l’une plus gentile, telle que sont maintenant noz privez : l’autre plus paoureuse, qui est agreste, & sauvage, qu’on nomme en Latin Saxatilis, faisant son nid dedens les tours, dont elle est appellee Turricola. C’est telle espece de Pigeons que Galien nomme Pirgitis, & autrement Peristeranomas. Ils sont ainsi paoureux, comme les Fuyards. Il y en ha qui se tiennent es creux des arbres, sçavoir est ceux qu’avons nommez Vinagines. Mais de ces deux especes, en est faicte une tierce de moult grand revenu, qui sont ceux que nous nourrissons es colombiers, nommez en Grec Peristerotrophion, ou Peristereona, dedens lesquels les Pigeons se retirent la nuit, & eslevent leurs petits.