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en terre : & les hommes ayants veu que cela estoit cause de faire produire des espics, prindrent occasion à son exemple de semer les grains en terre, & la labourer pour les faire multiplier. Elle n’est de couleur noire si exquise comme le Corbeau, Corneille, & Freux : car ou les plumes du Corbeau, ont les couleurs changeantes, de force d’estre ternies, tout ainsi ceste Chouëtte semble tenir du cendré, qui se change en noir selon qu’on le remuë. C’est la plus petite de toute les especes du genre Corbin, & qui ne se nourrist de charongne. Elle fait son nid es creux des arbres, comme aussi sur les chesnes, & pertuïs des murailles. Les gents de village les mangent : mais les autres hommes qui ont meilleurers chairs, n’y veulent toucher.

De la Chouëtte, ou Chouca rouge.
CHAP. VI.


NOUS avons nommé ceste Chouëtte, rouge, à la difference de la noire : car elles se ressemblent si fort, qu’il n’y ha distinction qu’en la couleur du bec, & des pieds, & quelque peu en grandeur. Aristote au vingt-quatriesme chapitre, du neufiesme livre des animaux, la nomme en Grec Corakias, & Pline au quarente-huittiesme chapitre, du dixiesme livre de son histoire, l’appelle en Latin, usant toutesfois de diction Greque, Pyrrhocorax, qui signifie comme qui diroit Corbeau rouge : car, comme dit est, ses pieds, jambes, & bec sont entre orengez, & rouges tirants sur le jaulne : mais le bec est quelque peu recroché par le bout. Cestuy oyseau ne descend gueres en païs plat, mais hante tousjours les summitez des haultes montagnes, tant de terre ferme, comme de la marine, & des regions chauldes, comme des froides. Nous l’avons veuë sur les haultes summitez des montagnes de Crete, de Cornouaïlle en Angleterre, comme aussi en Souïsse sur le mont Jura, sur le mont d’Or en Auvergne, & en autres lieux infiniz. On les trouve aussi es Isles Cyclades, & en Bretagne sur les rivages de la mer. Aristote au mesme lieu dit, qu’il y ha trois especes de Colios, & que le premier est nommé Corakias. Gaza traduisant ce mot, disoit Gracculus. Toutesfois Gracculus est ce qu’avons ja nommé une Grole, Graye, ou Freux. Pline faisant mention du Gracculus, monstre assez qu’il ne veult entendre de cestuy la, sçachant que des-ja avoit parlé de Pyrrhocorax, en autre passage, qui neantmoins est le Corakias d’Aristote. Et qu’il soit vray, qu’on lise le vingt-septiesme chapitre du huittiesme livre, ou il dit en ceste sorte. Les Ramiers, & ceux qui sont nommez Gracculi, les Merles, & Perdris se purgent avecques les fueilles de Laurier. Et au dix-huittiesme livre, chapitre dernier, dit ainsi. Quand Gracculi retournent bien tard de leur pasture, signifient le froid advenir. Aussi dit au chapitre dix-neufiesme de l’onziesme livre, que les habitants de Lemnos adorent les oyseaux nommez Gracculi, pource qu’ils mangent les Sauterelles, qui font nuisance en leur isle. Et nous qui sçavons qu’en Lemnos n’y ha haultes montagnes, & que les Choucas rouges ne hantent les bas lieux de ce païs la, pouvons conclure qu’il ne les fault nommer Gracculi. Lon garde ce Chouca rouge aprivoisé, & luy apprend-on à parler. Il est quelque peu plus grand que la Chouëtte noirre. Pyrrhoclorax (dit Pline au quarante-huitiesme chap. du dixiesme livre)