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droit, & poinctu par le bout, s’en servant quasi comme d’un pic, fonge en terre, & arrache les verms, & le grain. L’on ha eu occasion de le maintenir celuy que Pline ha nommé Gracculus : Car on le voit les soirs & matins voler en si grandes assemblees en trouppes, qu’à nostre jugement en avons observé d’une veuë plus de vingt mille en trois bandes, tant qu’ils couvroyent le ciel, comme aussi font les Chouchettes, tellement qu’elles apparoissent espaisses en l’aer comme nues, menants un si grand bruit, qu’elles en estonnent l’aer. Suyvant cecy voulons approuver un passage de Pline, du vingt & neufviesme chapitre du dixiesme livre, parlant en ceste maniëre. Immensa alioqui finitimo Insubrium tractu examina Gracculorum, Monedularumque, cui soli avi furacitas aura argentique praecipue mira est. Puis donc que Pline parle de la Chouchette separément, laquelle il nomme Monedula, & de la Rouge qu’il nomme Picrocorax, & du Loriot qu’il nomme Galgulus, & de la Corneille qu’il nomme Cornix, & du Corbeau qu’il nomme Corvus, & que nostre Grolle, Graye, ou Freux est differente aux dessusdits, avons conclud que c’est elle qu’il faut nommer Gracculus. Maintenant faut conferer avec Aristote, & sçavoir quels noms il luy ha baillé en sa langue. Ce mot Coliam pour exprimer quelque oyseau, il l’ha prins pour un terme general à la petite Chouchette, tant noire que rouge, & au Cormarant : car puis apres il les specifie. Parquoy ayants esté en erreur que le vulgaire des Grecs nous avoit fait concevoir pour l’appellation d’un petit Macreau, qu’ils nomment Colios, en parlerons encor au chapitre du Jay. Nous voyons ces Freux voler en trouppes par terres labourees, & toutesfois & la Corneille, & le Corbeau volent seulets, & ne hantent tels lieux en ce temps lá. C’est l’un des oyseaux le plus commun que nous ayons, & ou il se met à faire son aire, il couvre aucunefois tout une forest, pour le grand nombre qui s’en mettent ensemble. Ses petits ne sont moins delicats à manger que quelque petit Poullet, & aussi les peres sont bons, quand ils sont bien gras, pourveu qu’ils ne goustent à la charongne : car lors ils n’ont gueres moindre charnure qu’une Poulle : toutesfois pource qu’ils sont trop horribles à voir pour la couleur de leur chair, lon n’ha point acoustumé de les tenir exposez à la veuë es estaulx, comme lon fait les autres oyseaux. Ce qui fait, qu’il & estimé bon à manger, est pource qu’il ne se repaist de charongne, comme les Corbeaux, & Corneilles. Aulugelle autheur Latin, escrivant l’onsiesme chapitre du vingtiesme livre des nuicts d’Athenes, dit, Vetus adagium est, Nihil cum fidibus Gracculo, Nihil cum Amaracino Sui.

De la Corneille emmantelee.
CHAP. IIII.


CELLE maniëre de Corneille que nous voyons seulement en l’hyver, nous semble n’avoir esté escrite des anciens, ou si elle ha esté escrite, ne trouvons aucun nom Grec, ne Latin pour l’exprimer. Elle est passagere : car estant l’esté sur les haultes montagnes descend en hyver en nos plaines, vivant le long des villes & villages avec les hommes. Il est facile à prouver qu’il y ha autant de païs desert en guarigues, & montaigne, & delaissé à cause des vehementes