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y demeuroyent, pourroyent les affamer. Le Corbeau se combat contre le Milan, qui luy est ennemy, pource qu’il luy ravist sa viande. Pline au quarente-trosiesme chapitre du dixiesme livre de l’histoire naturelle, ha escrit une histoire assez plaisante d’un Corbeau, qui nous ha semblé digne d’estre mise en ce lieu. C’est que les corbeaux peuvent apprendre à parler : dont il y en eut un à Rome au temps de Tybere Empereur, dont le petit estoit venu de dessus le temple de Castor, qui vola en une boutique de cousturier, qui n’estoit guerers loing de la. Le Corbeau ayant esté nourry leans, n’arresta gueres qu’il n’eust apprins à parler : & par ainsi fut en recommandation au maistre de la boutique, & principalement pour la religion, d’autant qu’il estoit venu en sa boutique, de dessus le temple. Ce Corbeau partoit touts les matins pour aller vers le marché (in rostra) & saluant premierement Tybere, puis Drusus, les Empereurs, de lá saluoit le peuple qui passoit, le nommant l’un apres l’autre, puis apres retournoit à la boutique de son maistre : & ainsi dura plusieurs annees. Mais un des voisins de la boutique s’estant courroucé un jour contre le Corbeau, qui avoit esmuty sur son soulier, ou bien courroucé d’envie, tua la Corbeau, pour laquelle chose le peuple Romain fut si courroucé, que cest homme fut premierement banny, & puis apres mis à mort. Mais au Corbeau fist enterrement honorable, l’ayant mis dessus un lict que deux mores portoyent en pompe, ayants la trompette devant eux, & plusieurs gens portants beaucoup de diversité de couronnes : & ainsi conduisirent ce Corbeau jusques à son tombeau, lequel ils erigerent au costé dextre du chemin nommé Via Appia : voulant le peuple Romain que ce fust à juste cause qu’on luy fist enterrement honorable pour son bon entendement, ou pour la punition de l’homme homicide citoyen Romain.