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entier : qui estoit signe qu’elles n’arrestent gueres à passer la mer. Concedons toutesfois que toutes ne s’en vont pas, & qu’il en demeure quelcune : comme ausi Aristote l’ha dit en ceste maniëre, au lieu susdit : Nisi paucae locis apricis remanserint : mais c’est chose qui advient rarement. Plusieurs les trouvants pesantes, croyent qu’elles ne s’en vont, mais se cachent l’hyver, & vivent de leurs plumes qui est chose faulce. Aussi est-ce dont Pline au lieu dessus allegué, ha dit quasi pour merveille : Aura vehi volunt propter pondus corporum, viresque parvas hinc illa conquestio labore expressa, dont avons parlé au XV. chapitre du premier livre. Gaza interpret. d’Aristote ha dit : Sunt enim corpore grandiore quam ut suis pennis deferri possint ? Laborant enim quasi oppressae onere. Sçachant donc que nature leur à octroyé ce don pour douaire de sçavoir trouver le chemin, elles prennent leur volee plustost de nuict que de jour : & s’en vont deux à deux s’eslevants bien hault en l’aer. Car ayant plusieurs oyseaux de proyes ennemis, elles s’en sçavent bien contregarder. Et là ou Pline dit : Quippe velis saepe insident, & hoc semper noctu, merguntque navigia : il ne faut pour cela croire qu’elles aillent en troupe. Lors que noz champs sont desnuez de chaulmes & autres herbages, n’ayants lieu à se cacher, & que les grains commencent à faillir, elles s’en partent d’icy pour aller es regions loingtaines, ou à nostre opinion, les hommes y font leurs moissons, quand nous avons l’hyver. Parquoy accorderay qu’elles passent aux Antipodes. Les autheurs anciens Grecs, & Latins nous font foy, qu’elles se partent aussi bien de leur païs comme des nostres : ainsi disons d’Angleterre, d’Escosse, Irlande, Holande, Almagne, & autres partiës Septemtrionales, comme aussi de toute l’Asie, & de Syrie. Nous avons diverses maniëres de les prendre selon diverses saisons : car à leur nouvel advenement, lors que le bled est en verdeur, & qu’elles s’entrecherchent masle & femelle, on ha moyen de les attirer aux filets. Les hommes ont inventé certains petits instrumens de cuir & d’os, nommez Courcaillets, qui peuvent exprimer la voix de la Caille, laquelle oyant le Cour caillet, pensant que ce soyent les femelles, & voulants les venir trouver, tombe dans les filets. Mais apres l’esté lors qu’elles sont hors d’amour ne sonnent plus mot, & se tiennent par les rastroubles vivants des grains qui sont tombez des espics en siant le bled. Alors on les prend avec autres engins. C’est, que lon ha aprins un Chien de les sçavoir cognoistre : & soudain qu’il ha senty la Caille, il s’arreste tout court. Les chasseurs ont un rets large nommé une Tirasse, laquelle ils desployent, & vont l’un deçà & l’autre dela : dont ils couvrent le Chien & la Caille, & par ce moyen demeure prinse. Les vivandiers qui gardent les Cailles en cage, ne leur donnent gueres d’espace : car si la cage estoit haulte, elles ne cesseroyent de saulter & se frapper la teste. Parquoy chasque cage n’est haulte que d’une coudee & en pourra comprendre deux ou trois cents : car elle aura cinq ou six estages qui ne seront plus haultes que la Caille, esquelles lon met à manger & à boire. La Caille fait son nid contre terre. Et pource qu’elle ha abondance de pasturage en esté, elle est pour lors en fort bon point, & grasse. C’est de ce passage qu’Aristote veut prouver que les animaux sont plus gras, es lieux froids que chaulds, disant que quand les Cailles arrivent en Grece au printemps qu’elle sont maigres, mais que s’en partant elles sont plus grasses, & que cela les fait plus promptes au desir de leur joindre, pource qu’elles sont venuës des lieux tiedes. Il y avoit anciennement une opinion entre le vulgaire, qui faisoit desestimer les Cailles, comme