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moyennant qu’on n’y ait point de Chien, il n’y ha aucun espoir d’en prendre. C’est une enseigne infallible oyant le chant des Perdris, que le point du jour est prochain. Elles se tiennent la nuit en troupe, mais se departent d’ensemble au point du jour, allants ça & lá à leur pasture : car elles sçavent se raliër en compagnee, rappellants l’une l’autre. Les Perdris, & les Cailles, ainsi qu’Aristote ha dit, au premier livre des animaux chapitre premier, sont beaucoup salaces. Il dit aussi au huittiesme chap. du neufiesme livre, que quand les femelles couvent, les masles, qu’ils nomment Coelibes, se trouvants veufs, se combatent ensemble, tellement que celuy qui sera vaincu suyvra le vainqueur le tenant pour son maistre, & le contraint de luy servir de femelle. Il dit en ceste maniëre. Qui autem victus in pugna fuerit, sequitur victoris venerem patiens, nec ab alio, nisi a suo victore subigitur. Sed si a comite principis, aut quovis vulgari vincatur, clam a principe, ac furto subigitur. Mais cela ne se fait, sinon en certain temps de l’annee. Il est manifeste qu’on les ha eu privees : car Aristote dit : Necnon Perdices mansueti iam & domestici subigunt feros, & spernunt, contumelioseque tractant. Il est bien à croire que les Perdris ont esté de touts temps en delices : car c’est l’un des oyseaux de la plus ferme charnure, & pour ce peu qu’il contient est de meilleur goust, que nul autre oyseau que nous ayons : toutesfois qu’on ne l’ha tant estimee anciennement, comme l’ont fait maintenant. Martial dit en ceste maniëre, Carior est Perdix : sic sapit illa magis. Si la chair de Perdris est de saveur delicate & delectable, aussi est elle louëe de grand nourrissement, & de bonne & facile digestion, & qui engendre bon humeur au corps : aussi est beaucoup meilleure d’avoir esté gardee quelque temps mortifiee. Hippocrates ha loué le fiel de la Perdris, gardé en une boite d’argent, pour les maladies des yeux, & pour faire voir plus clair. Le sang de la Perdris vault aussi aux recentes hulceres des yeux, & à en guerir les rougeurs.

De la Perdris grise, ou Gouache.
CHAP. XV.


AUSSI est à presupposer, que la Perdris grise ou Gouache, n’ha pas esté cogneuë en Grece, puis que les autheurs de celle nation n’en ont fait aucune mention, non plus que les anciens Latins, n’estoit qu’on voulust dire quils l’ayent entenduë sous le nom de la premiere. Elle est de plus petite corpulence que la rouge, & qui se ressent beaucoup de son excellence : mais est aussi inferieure en toutes merques à la rouge : parquoy on la vend beaucop moins par les marchez. Elle est nommee grise pour la couleur de sa plume, comme aussi son bec, ses jambes & pieds sont comme gris, & ha aussi du rouge au deux costez des temples, tout ainsi que la Perdris rouge, & la Greque : mais les Perdriaux encor jeunes n’en ont point, qu’ils n’ayent passé trois mois. Elle vole en troupe, comme les deux susdictes & s’accouple au printemps. Somme qu’elle est de mesmes meurs, & condition, & vulgaire en touts lieux.