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fut grand à M. Aufidie Lurco, qui commença à les engresser à Rome pour les vendre : & que Hortense orateur fut le premiër qui les tua pour les manger es festins : qui me fait penser que les Romains les nourrissoyent seulement au paravant pour leur beauté exquise. Il est difficile d’eslever les poulsins des Paons, sinon en temps d’esté. Aristote en mesme lieu dit, qu’ils vivent communement vingt-cinq ans, & qu’ils se despouïllent quand & les arbres : mais que leurs plumes reviennent avec les fueilles. Suetone, en la vie de Tibere dit : Militem praetorianum, ob surreptum a viridaria Pavonem, capite punijt. Cela nous fait penser qu’ils les gardoyent anciennement en delices, enfermez es vergers, comme nous faisons encor maintenant. Il y ha aussi un poisson nomme Pavo, qui ha prins son nom du Paon.

De l’Ostarde.
CHAP. III.


LES Ostardes sont les plus grands oyseaux terrestres, qui sont venuz à nostre cognoissance apres l’Autruche. On les trouve si semblables à la Cane petiëre, que n’y avons sceu observer difference, sinon en grandeur. Une Ostarde est beaucoup plus grosse, & plus puissante qu’une Grue : & pourroit estre comparee à la charnure d’un Cygne. Lon diroit proprement à voir sa teste, que c’est celle d’un Vautour, tant est grosse & lourde. Elle ha le bec moult robuste, & bien fendu, fait à la maniëre de celuy d’une Poulle. La couleur du duvet & plumes qu’elle ha sur la teste, & col, est cendree & luy continuë jusques dessous l’estomach. Le dessus des aelles est blanc, qui est la seule merque, osté la grandeur, qu’on trouve en elle, qui ait monstré difference de la Cane petiëre. Et pource que ses jambes sont longues, aussi failloit que son col fust long, qui commence à estre couvert de plumes grivelees de tanné & noirastre depuis la poictrine qui continuë par dessus le dos. Au reste elle est blanche par dessous le ventre, & dessous les aelles, sinon que les extremitez sont noires. C’est un oyseau à qui avons trouvé le pertuïs des aureilles plus ouvert que de nul autre terrestre : Car lon met trois bien le bout du doigt dedens le conduit. Qui regarde leans, voit deux conduits, dont l’un tend vers la partië du bec, l’autre entre tout droit au cerveau. Qui ne descouvrira la plume de dessus les ouyes, ne luy voirra point le pertuïs qu’avons dit. Les plumes de l’Ostarde sont rouges à la racine, tout ainsi qu’à la Cane petiëre, ayant aussi les cuïsses couvertes de plumes blanches, qui sont descouvertes deux doigts au dessus de la joincture des genoux. Ses jambes sont grosses comme le poulce, longues de demy pied, toutes couvertes d’escailles. Elle ha les pieds moult gros, dessous lesquels lon voit un gros cal, qui est comme un muscle dedens le pied à la racine des doigts. Ses ongles sont courts, & ha seulement trois doigts en chacun pied, & toutesfois les autres oyseaux en ont quatre. Les plumes de sa queuë sont blanches à la racine vers la partië qui touche le croupion, tannees par dessus, merquetees de noir. Sa poictrine est grosse & ronde. Aussi sa langue est dentelee de chasque costé, poinctuë, & dure par le bout. La nature de l’Ostarde est de vivre par les spatiëuses campagnes, comme l’Autruche, fuyant l’eau sur toutes choses :