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n’ayent esté estimees pour orner les acoustrements de teste, morions, & salades. Et n’estoit que les Turcs, & les Perses les ont pour le jourdhuy en plus grand usage que nous, elles ne nous seroyent si cheres. Ce n’est pas de maintenant qu’on commence à s’esmerveiller de luy voir indifferemment digerer le fer. Car Pline au premier chapitre du dixiesme livre de l’histoire naturelle, disoit. Concoquendi sine delectu devorata, mira natura, sed non minus stoliditas, in tant a reliqui corporis attitudine, cum colla frutice occultaverint, latere sese existimantium, etc. Et si nous considerions aussi bien la nature des petits oysillons, qui digerent les cailloux, & le sablon, nous ne trouverions si estrange que l’Autruche puisse digerer le fer. Si l’Autruche est assaillie de quelque petite beste, pour laquelle ne s’en vueille fuir, elle se defend à coups de pieds, tellement qu’il advient que quand un homme s’en fuit devant elle, elle ha la force de le ruer par terre. L’Autruche fait son nid en terre, & n’y ha oyseau qui ponne tant d’œufs qu’elle fait, qui sont si gros qu’ils pourroyent contenir une pinte de liqueur, ayants la coque si dure, qu’on s’en peut servir pour faire vaisseaux à boire. Grande partië des œufs que nous voyons pendus par les eglises, sont œufs de Crocodille : & toutesfois pensons qu’ils sont œufs d’Autruche. La gresse d’Autruche estoit anciennement venduë à Rome es boutiques des chirurgiens : car lon s’en servoit à tout ce que lon peut dire de la gresse d’Oye : mais elle ha esté trouvee de plus grande vertu. Ceux qui sont coustumiërs de manger la chair d’Autruche, ont rapporté qu’elle excrementeuse, & mal aysee à digerer. Les autres ont que le jesiër de l’Autruche mangé faisoit faire bonne digestion, confessants toutesfois que le jesiër de soymesme ne se peut bien digerer.

Du Paon.
CHAP. II.


LES PAONS ont esté nommez à cause de leur cry. Il y a beaucoup d’oyseaux, esquels lon ne peut distinguer le masle de la femelle, mais le Paon ha telle distinction à sa femelle qu’on voit du Coc à la Poulle : car comme les Cocs, & Chapons ont les plumes du col & de la queuë differentes aux Poulles, aussi le Paon ha la queuë, & le col different à sa femelle. Il est tant cogneu d’un chacun, qu’il n’ha que faire d’estre descrit par le menu. Sa beauté ha esté cause qu’il ha esté dedié à la deesse Juno. Le masle ha les grosses pennes phenicees en l’aelle : & combien que ses longues plumes apparoissent sortir de sa queuë, toutesfois elles sortent de dessus le dos aupres du croupion, lequel il ha gros, & large : ou nature ha mis des plumes noires, & courtes pour soustenir les longues qui sont dessus. Lon ne sçauroit trouver autre raison pourquoy nature luy ha baillé les plumes de dessus le sommet de sa teste ainsi eslevees, que pour elegance de beauté : nomplus que celles de sa queuë, qui luy tombent, sinon que pour aornement. La nourriture des Paons est de grande despence, & les petits difficiles à eslever. Lon en trouve aussi de touts blancs tant masle comme femelle, mais point d’autre couleur, au moins qu’on le puisse sçavoir. Ils ont les esperons, comme les Cocs, & se ressentent quelque chose de leur majesté. Il ne fut onc qu’on n’ait acoustumé faire couver