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nature ha fait bossu : dont ne puis trouver autre raison, sinon qu’il ayme tousjours à voler. Il ha aussi de coustume manger des petites pierres, comme font les Irondelles : parquoy ne me suis esmerveille trouver les semences des lampsanes, cancalles, naveaux, & du froment dedens son jesier, & de quelques autres aussi qui vivent de Mousches ainsi comme luy. Il ha le fiel bien grand, qui est verd comme une Esmeraude : & ha deux petits intestins au droit boyau. Il faut excuser la grandeur du portrait de cest oyseau, qui n’est en la proportion des autres : car il fut fait en sa naïfve grandeur & mis seulet au livre de noz observations : & par ce ne l’avons voulu changer.

Du Porphyrio.
CHAP. XXVIII.


LES anciens Romains hommes haultains amateurs des choses singuliëres, se faisoyent apporter les bestes de toutes parts pour avoir plaisir de les voir. Entre autres, il leur estoit apporté un oyseau de Lybie, lequel ils nommoyent de nom Grec Porphyrio. Pline est d’opinion qu’il en naisse aussi es isles Baleares, & en Comagene : car il dit, Baleares insulae Porphyrionem mittunt. Laudatissimi in Comagene. On trouve que c’estoit un oyseau de beaulté moult exquise, de la grandeur d’un Coc, de couleur azuree, ayant le bec & les jambes rouges & longues. C’est de lá qu’on l’estime estre oyseau palustre, ayant aussi les pieds fenduz : & par consequent son col est long. D’avantage puis qu’il est aquatique, sa queuë n’est pas longue : parquoy ses pieds en volant luy passent oultre, comme aux Herons, & autres, qui ont la queuë courte. Les anciens ont observé une taché en ce Porphyrio, qu’ils ont attribué à luy seul : c’est qu’il boit l’eau comme en mordant, & aussi qu’il trempe ses morceaux en l’eau, les apportant au bec avec le pied pour les manger. Aussi ont dit qu’il ne s’esleve pas en avant quand il vole : & qu’il est oyseau qui prend plaisir quasi insatiable de se veaultrer en la pouldre, & se baigner : mais qu’il cherche principalement le lieu ou les Pigeons ont coustume de se baigner : toutesfois qu’on ne l’a encor observé se laver en l’eau, ou veaultrer en la pouldre, qu’il n’ait premiërement couru certaine espace de chemin. On le tenoit seulement pour monstre, renfermé de barreaux : car Aelian mesme escrit, qu’il n’avoit encor ouï parler, que quelcun l’eust appresté es banquets. Polemon escrivant de ses proprietez, en dit chose merveilleuse, c’est que selon son opinion l’oyseau prenoit garde aux femelles de la maison ou il estoit nourry, & avoit cognoissance de l’adultere qu’on y commettoit : laquelle quand il avoit apperceuë, il signifioit au maistre de l’hostel, en monstrant signe de se vouloir estrangler.