Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/258

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais encor pour plus magnifier la grandeur de ce miracle naturel, en ha escrit un opuscule intitulé Villanis, qu’on peut voir avec ses œuvres. Or pour parachever la reste de l’exploit, estants vestus des livrees de leur conducteur, ayants fait voyle pour passer oultre, arresterent peu qu’ils ne se trouvassent au rivage des isles, & lá se reposants sous l’umbre des ramees, voicy un Halcyon branché sur leurs testes, qui degorgea son chant si haultain, que le comte d’Alsinois leur interpreta, que ce leur fust augure fatal, se souvenants de Roger en Arioste, qui obtint de la magicienne Alcine, des le premiër soir qu’il arriva au chasteau, ce que les amants souhaittent : interpretants que comme luy, obtiendroyent accomplissement de ce qu’ils avoyent le plus desiré. C’est l’oyseau du plus grand babil, qu’on puisse cognoistre. Parquoy qui prendra plaisir d’escouter une Rousserole, trouvera telle doulceur en son plaisant chanter, que desormais les voix haultaines des autres oyseaux en seront moins plaisantes. Les Rossignols, Fauvettes, Linottes, & autres oyseaux champestres excellents en musique n’en apparoistront harmonieux, si lon compare leurs voix contre celles des Halcyons. Cest oyseau est si persistant en son chant, qu’estant perché sur un rouseau, continuë jour & nuit, & s’opiniastre de si grande affection, que qui l’entendra, aura pitië de sa peine. Les centinelles des chasteaux, & villes situees en lieu aquatique, ou croissent des rouseaux, pourroyent donner tesmoignage, qu’il leur communique son sçavoir, ne cessant jour ne nuit pour temps qui face. Qui le voirroit courir à mont les rouseaux, penseroit que ses pieds sont à la maniëre de ceux des Pics verds : mais ils sont tels que ceux des Grives & Merles. Ce qu’on peut trouver de plus estrange en luy, est qu’il se remuë si fort en chantant, qu’il en tremousse & tremble. Il est de la couleur d’un Stercot, & la queuë de mesme, & de la grandeur d’un Proyer qu’interpretons en Latin Miliarium avem. Son bec est trenchant, tenant quelque chose de celuy de la Pie Griesche. Il semble estre huppé : mais cela luy provient de ce que les plumes de dessus sa teste, sont longuettes. Ses jambes & pieds, sont moyennement longs de couleur cendree. Il ne vole guere bien, & bat des aelles à la maniëre d’un Cochevis. Il sembleroit que Pline, en eust fait trois especes : car au trente-deuxiesme chapitre, du dixiesme livre de l’histoire naturelle, il escrit : Alterum genus earum magnitudine distinguitur, & cantu. Minores in harundinetis canunt. Mais il faut l’entendre de deux especes seulement : Car Pline suyt la traduction d’Aristote, qui n’en ha fait que de deux sortes : l’un qui chante bien, & est le plus petit, duquel parlerons maintenant : l’autre plus grand, & qui ne chante aucunement d’ont avons des-ja parlé. Nous avons quelquesfois esté d’opinion, que ce petit Halcyon fust passager, & qu’il s’en partist l’hyver pour eviter le grand froid : mais depuis avons cognu le contraire. Pline escrit Halcyon par une lettre aspiree : parquoy pensons qu’il faut l’escrire Halcyon, & non Alcyon. Il n’y ha paisant en noz contrees du Maine, & Touraine, qui ne scache, que cest Halcyon est nommé en Françoys Rousserole : mais les autres dient Roucherole. Ceux qui prononcent Rousserole, dient à cause de la couleur rousse, ou enfumee : Les autres qui prononcent Roucherole, dient