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De la Rousserole, ou Halcyon vocal.
CHAP. XXVI.


SACHANTS donc qu’il y ha deux especes de Martinets pescheurs, & que le plus grand qu’avons ja descrit, est commun en touts lieux : reste à dire de ceste seconde espece, qui est l’un des oyseaux du plus plaisant chanter, que nul autre de riviere. Il est frequent en touts lieux marescageux, & sur les rivieres qui produisent des rousches. Aristote en ha fait expresse mention au troisiesme chapitre, du huittiesme livre des animaux, le nommant vocal, à la difference du susdit, qui ne chante point. Et encor qu’il ait surnommé le susdit Mutum, si est-ce qu’il ne l’entend estre totalement muet : car lors qu’il se depart d’une place, il fait quelque voix comme en cry, annonçant par ce à son compagnon, qu’il s’en est party. Qui voudra avoir plaisir indicible, alle l’esté s’assoir sur la rive de quelque douve, ou il y ait des rouzeaux, il oyrra une melodieuse harmonië des chants d’infinis petits Halcyons vocals, que nommons en Françoys Rousseroles. Il n’est homme, s’il n’est du tout lourdaut, qui infalliblement, s’il y prend bien garde, n’en soit rendu triste ou joyeux. Ils n’ont non plus de cesse que les Rossignols. A ceste occasion aucuns nomment les Rousseroles, Rossignols de riviere. Tout homme qui oyrra un chant si haultain proceder du sifflet de si petite corpulence d’oysillon, sera de gros esprit & lourd, s’il n’y repense deux fois : entendu que d’une mesme haleinee il maintient sa voix, tantost si haulte, qu’il n’est dessus d’instrument d’ivyre qui y puisse monter : tantost si basse, qu’il n’est dessous d’un pot cassé qui puisse descendre si bas. Il n’est homme si diligent observateur des voix, qui le puisse bonnement contrefaire en chantant. Entre autres il semble quasi prononcer comme qui diroit : Toro, tret, fuis, huy, tret : & en reïterant tel chant en diverses maniëres, passe les nuictees sans cesser. Il se branche aussi sur les arbres : mais il ne se depart jamais des eaux. Les paisans acoustumez de l’ouïr, ont tellement retenu son chant, qu’ils en ont fait des chansons si impudiques à la prononciation, qu’il ne seroit licite les escrire, non seulement les penser, sinon à gentz effrenez. Nous avions voulu les mettre en escrit, & changer les lettres, pour dissimuler les mots, toutesfois voyants que cela n’ha aucune grace, l’avons omis : d’autant que touts les mots se commencent par f, ou par c. Aristophanes autheur Grec, encor plus ancien qu’Aristote, ha eu plaisir de mettre son chant en escrit, l’ayant aussi bien observé qu’à peine personne le sçauroit mieux exprimer. Il est ainsi en sa comedie des oyseaux.

Huc, huc, huc, huc, Toro, toro, toro, toro, torotinx. Ciccabau, ciccabau, Toro, toro, toro, tolililinx.

Somme que son chant estant aussi variable que de nul autre oyseau, n’avoit moins à faire de l’excellent outrage de Janequin, du Tertre, Godimel, ou autres excellents musiciens, que le Rossignol. Cest Halcyon s’est demonstré comme en augure fatal,