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qui se le sont fiché en la poictrine. Les Herons sont solitaires se tenants seulets tant sur leurs perches, comme en leur pasture. Et pour ce qu’ils ont les jambes moult longues, leur demeure sur jour, est se tenir en l’eau : ainsi evitent les injures des oyseaux de proyë, & des bestes à quatre pieds. Il y en ha qui ne prennent point de perche pour dormir, si est-ce qu’on en voit plusieurs dormir sur les arbres. Il est moindre en proportion qu’une Grue & Cigogne, ayant les jambes & le bec long, parquoy fait grande destruction sur le menu poisson, car il en mange grande quantité. Et pource que sa queuë est courte, ses jambes & pieds apparoissent, lors qu’il vole, plus longs que sa queuë. Lon ha tenu que les Corneilles & les Herons ont aliance d’amitié contre les Regnards. Qu’ils soyent amis des Corneilles, cela est vray semblable, car lon les peut voir faisants leur aire sur un mesme arbre l’un aupres de l’autre. Le Heron cendré est aussi nommé Pella. Aristote ha eu opinion, au lieu ja allegué de l’histoire, que l’acouplement du masle & femelle est difficile, & que le masle se met à faire voix : & à ce que lon dit (dit il) il luy sort du sang par les yeux : aussi dit que la femelle pont mal aisement en grand douleur. Elle est songneuse en son vivre, & fait provision pour son manger, prenant grande peine sur jour en le cherchant, ayant le ventre humide. Mais est de laide couleur.

Du Heron blanc.
CHAP. III.


SUYVANT les enseignes d’Aristote, qu’il ha escrit du Heron blanc, trouvons quelles ne conviennent à l’oyseau, duquel pretendons parler, ains à la Pale, Poche ou Cuillier, comme apert par les mots Grecs, & la version latine de Gaza, disant au chap. 3. du huictiesme livre, Petit lacus & fluvios Ardeola, & Albardeola, quae magnitudine minor est, rostro lato perrectoques, etc. Qui sont merques evidentes, monstrants que ce ne peut estre de ce Heron cy, qui est de mesmes meurs que les Herons cendrez. Il est assez commun par noz rivages, ayants tesmoings modernes qui ont escrit, qu’on le voit aussi en Angleterre. De ceste diligence ne voulons frustrer le devoir deu à monsieur Tournerus sçavant medecin. L’on en voit beaucoup plus sur les rivages de la mer de Bretagne, qu’en terre ferme des plaines de France. Quoy qu’on lise ne la version Latine de Gaza en Aristote, ou il met telles fois Albicilla & Albicula, pour la Greque leukos, ne nous ha retardé de croire qu’Aristote n’avoit veu ce Heron blanc, non plus que l’Aigrette, nous asseurant qu’il ne s’en fust teu, ou bien faut dire que Gaza avoit autre exemplaire, ou que les Imprimeurs ont laissé ce mot, leukos, au troisiesme chapitre du huictiesme livre de l’hystoire, la ou sa version latine dit : Adhaec Junco, Cinclus, Albicula, Tringa. Car si telle diction, leucos, s’y fust trouvee, lon eut peut penser, qu’il eust entendu ou du Heron blanc, ou de l’Aigrette. Et si lon vonloit entendre que ce mot seul leucos, signifiast le Heron blanc, comme au dixhuitiesme chap. du neufiesme livre, ou il dit & lon fist difference à celle ou il met en un mot leukerodios, alors lon pourroit advouër, qu’Aristote en auroit parlé,