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sur la teste à la maniëre d’un Vanneau. Estants en Halep ville de Syrie, avons veu un oyseau tenant moytié entre Heron & Grue, que soupçonnasmes aussi estre Grus Balearica : toutesfois il n’avoit point de plumes sur la teste comme le Bihoreau. Combien que la Grue soit reputee delicieuse, toutesfois Galien l’avouë de chair fibreuse & dure.

Du Heron cendré.
CHAP. II.


ARISTOTE descrivant le Heron, le nomma Herodios, & Pline Ardea. Il en met au neufiesme livre, chap. 18. de trois especes, que nous cognoissons toutes. Il escrit le Heron gris ou cendré, au premier lieu : Au second le Heron blanc, & par apres le Butor, le nommant Stellarem Ardeam, qui est à dire l’estellé. Mais pource que specifirons chacun à part soy, parlerons premierement du Cendré. Lon ha coustume de faire grand traffic de ses petits, qui monte jusques à grande somme d’argent par chacun an. Car les hommes de ce temps cy ayant inventé la ma maniëre de faire certaines loges haultes eslevees en l’aer, fermees le long de quelque ruisseau, seulement couvertes à claire voye, les ont nommees en Françoys Heronnieres, & sur lesquelles les Herons ont si bien apprins à dresser leur aire, que les petits, qui sont denichez de la dessus, vallent un grand deniër. Il est vray semblable que c’est de l’invention des modernes. Car il est à presupposer que si les anciens autheurs curieux de mettre les choses par escrit, eussent veu tel bastiment de Heronnieres, qu’ils ne s’en fussent teuz. Car mesmement les Romains ont esté aussi bons mesnagers & ouvriers de faire leur profit de toutes choses, comme nous sommes pour le jourdhuy, & possible qu’ils l’ont esté d’avantage. Et comme les anciens n’en ont eu cognoissance, aussi pouvons dire que les autres nations n’en ont usage. Car si telles Heronnieres estoyent ou en Angleterre, Alemagne, Italie, Espagne, ou en autre païs, lon en trouveroit quelque chose par escrit, sçachant qu’elles sont faictes de grand artifice pour utilité. Toutesfois qu’es autres contrees, comme lon voit en basse Bretagne, les Herons sont moult frequents, ou ils font leurs nids sur les rameaux des arbres des forests de haulte fustaië. Et pource qu’ils nourrissent leurs petits de poisson, & qu’en les abechant, grande quantité en tumbe par terre, plusieurs ont prins occasion de dire avoir esté en un païs, ou les poissons qui tumbent des arbres, engressent les Porceaux : qui est chose veritable, & ou il n’y ha difficulté, moyennant qu’on entende la raison. Entre les choses notables de l’incomparable dompteur de toutes substances animees, le grand Roy Françoys, fit faire deux bastiments, qui durent encor à Fontainableau, qu’on nomme les Heronnieres. Il sembloit que les elements mesmes, & les qualitez temperees d’iceux, obeissent à ses commendements : car de forcer nature, c’est ouvrage qui se resent tenir quelque partië de divinité. Aussi ce divin Roy, que Dieu absolue, avoit rendu plusieurs Herons si aduïts, que venants du sauvage, entrants leans, comme par un tuyau de cheminee, se rendoyent si enclins à sa volonté, qu’ils y nourrissoyent leurs petits. Mais cecy est peu, sçachants que comme