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n’ha secousse à s’eslever en l’aer, souventesfois les petits enfants se mettent à le pourchasser à coups de pierres, & le rendent si bien lassé, qu’il se laisse prendre à la main, ou bien autrement on le prend aux gluaux. Il se peut aussi bien paistre dedens la mer, comme dedens l’eau douce. Quelque part qu’il soit prins & mangé, il sent tousjours la sauvagine, & est fort gras en hyver. Aussi est-ce le temps auquel l’on ha acoustumé le voir plus souvent. Et attendu qu’il vit tousjours en l’eau, nature n’ha oublié à le munir contre l’injure du froid, luy donnant des plumes deliees. Qui luy regarde en l’estomach, trouve qu’il mange indifferemment toutes sortes de petits poissons. Car s’il est en la mer, il se saoule de Chevrettes, Crado ou Meletes, Espellans. Mais s’il est es rivieres, il mange les petites Escrevisses, & tout autre menu poisson : car il ne se paist que d’animaux en vie, c’est à dire qu’il ne mange volontiers de semences d’herbes, n’estoit en default d’autre viande. Il ha le foye moult tendre, & les intestins autrement que les autres, & moult gresles & deliez. Il fait son nid contre terre dedens quelque mote herbue en marais, & lieu difficile à trouver.

Du grand Plongeon de riviëre.
CHAP. XXIII.


NATURE benigne & sage, n’ayant rien omis au devoir de sa charge sur le proportionnement des membres de touts animaux, fit choses merveilleuses es membres de ce Plongeon : car comme les hirondelles nommees Apodes, qui volent sans fin pour prendre leur pasture en l’aer, n’ont eu que faire de sçavoir cheminer sur terre : Aussi ce Plongeon estant aquatique, residant tousjours sur les eaux, ha esté douë de membres agiles pour l’eau, mais manques & imparfaicts sur la terre. Car comme l’Apus estendu sur terre, demeure impotent sans se pouvoir eslever en l’aer, aussi cestui-cy se trouvant à terre au sec, n’ayant espace de prendre l’aer pour voler, ne l’eau pour se musser, demeure prins sans grande difficulté. Car il n’ha pas les cuïsses propres pour la terre, d’autant quelles sont cachees leans en la peau. Et mesmement ce qu’il ha de jambes, sont derriere le cropion. Et si d’avanture il est contraint de se tenir sur ses pieds, il faut qu’il soit tout droit, & tenir contenance, qu’on ne voit point es autres oyseaux. Ses jambes & pieds sont proprement comme ceux de la Poule d’eau, c’est à dire fenduz & larges, ayants trois doigts en chasque pied, & ausi les ongles plats : il est presque de la grosseur d’un Canard, noir dessus le dos, & blanc dessous le ventre. Quand ses aelles sont retirees, l’on n’y cognoist rien de blanc, mais estants estendues, sont trouvees toutes blanches par dessous, & dessus en deux endroicts. C’est un oyseau de cry moult estrange, & pertinent à se defendre. Son bec est long, rouge, & tranchant par les bords. Il semble estre huppé : car ayant le dessus de la teste noir, les plumes de derriere sont longues, lesquelles il haulse & abbaisse selon que son courroux, ou tranquilité luy esmeut. Le dessous de la maschouëre d’embas, est moult blanc : mais en celle part ou commencent les vertebres du col, il sort des longues plumes noires en chasque costé, qui font apparoistre l’oyseau de moult bonne grace. La plume qui est attachee à sa peau, comme aussi en touts autres Plongeons, est deliee