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tout le dessus, & jusques à demy le col, est de couleur fauve, comme qui l’auroit peincte d’Ocre de Ruz. Ses yeux ne sont gueres grands. Le dessus de son dos & des aelles est cendré, tirant sur la couleur plombee. Ses aelles sont moult petites au regard de tout le corps, ayants une ligne blanche par le travers. La couleur de dessous son ventre est quasi blanche tirant sur le paillé. Son bec ha trois doigts de longueur, rouge par le dessous, & brun par dessus, ou il y ha un pertuïs en chasque costé pour odorer. Ses jambes & pieds sont rougeastres : sa queuë est ronde comme celle des oyseaux de riviere. Mais la voyant errussee par le bout, avons eu occasion de penser qu’il se perche & fait son nid par les rochers, & sur les arbrres, comme aussi fait le Cormarant. Nature s’est monstree admirable en la fabrique interïeure de cest oyseau, comme aussi en celle de plusieurs plongeons, & quelques autres oyseaux de riviere : car elle luy ha baillé le siflet, autrement nommé le Chalumeau, d’autre sorte qu’es autres oyseaux de riviere : qui n’est pas rond, mais quasi plat, & non tout d’une venue, mais plus gros par intervalles en un endroit qu’en l’autre, c’est à dire qu’il y ha deux nœuds au milieu. Et quand il est parvenu jusques dedens l’estomach, on luy trouve une cavité leans renfermee de membranes, qui contiennent pareillement un gros os inegal, en sorte qu’on diroit, que comme on enferme une chandelle en la lanterne contre les injures du vent, que tout ainsi nature luy ha fait celle cavité pour la conservation de l’aer entour ses poulmons : car lors qu’il se tient lá bas plongé en l’eau, il ha affaire de vent. Lon ne trouve aucuns autres oyseaux avoir ceste merque, sinon ceux qui font le plongeon : combien que touts ne l’ont pas. Le peuple n’a bonne opinion de cest oyseau : car quand lon on apporte au marché, comme aussi des Cormarants, il y ha un proverbe de dire, que qui voudroit festoyer le Diable, il luy faudroit donner de tels oyseaux : les estimants de mauvais manger : & toutesfois ne sont si mauvais qu’on crië.

Du Herle.
CHAP. IX.


CEUX nous semblent avoir petite occasion de se louër tant qui se vantent, pour avoir imposé quelque nom Françoys à une chose moderne : car nous voyons plusieurs choses nommees diversement, prenants leurs appellations propres en diverses contrees de France : & toutesfois ceux qui sçavent bien parler Françoys, les ignorent. Nous avons trouvé un oyseau de riviere de moult belle couleur orengee, que les habitants des Orees sur la riviere de Loire, comme est Cosne, la Charité, Nevers, ont constamment nommé un Herle, ou Harle : & toutesfois l’ayant monstré à Paris, n’avons trouvé homme qui ait onc ouï tel nom : car en le vendant, ou ils le nomment un Tiers, ou un Morillon, ou luy imposent tel autre faux nom. Sa grosseur est moindre que d’une Oye sauvage, mais il resemble mieux à la contenance d’une Cane, tant pour avoir les jambes & le col cour, comme aussi retire mieux au plumage d’une Cane. Cela est cause qu’ayons esté de le soubsonner Vulpanser. Ce Herle est bien garny de plumes,