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blanches, le plus souvent retiennent toute la couleur du sauvage. Encore y ha plusieurs autres sortes d’oyseaux de riviëre, qui resemblent aux Canes : toutesfois n’y en ha point à qui les plumes de dessus le cropion soyent revirees contremont, qu’aux masles des Canes. Les masles sont tousjours les plus grands. Aristote faisant leur anatomie, au dix-septiesme chapitre du second livre de l’histoire, ha dit que leur gosier est large & ample, & ont des intestins pendus apres de celuy ou se termine le droit boyau. Les oyseaux de riviere comme aussi les Canes sortants de l’eau, s’eslevent incontient contremont pour aller vers le Ciel. Les Canes ont l’industrie de faire leur nid & esclorre leurs petits dedens les arbres, & les apporter avec le bec en l’eau. Les anciens pensants que les Canes du païs de Pont se repaissent de venin, ont donné leur sang contre toutes poysons : & de fait Mithridates, qui n’estoit moins medecin, que Roy, & duquel nous avons ce tant renommé medicament de son nom, faisoit endurcir le sang des Canes, à fin qu’il le peust mieux garder, & le destremper en medecine quand il vouldroit. La chair des Canes est mise en comparaison avec celle de l’Oye, pource que touts deux hantent les rivieres & marais. Or pource que les autres oyseaux de riviere, qui ont le pied plat, de petite corpulence, sont dits estre du genre de Cane, & aussi que les anciens autheurs en ont fait mention de beaucoup de sortes, prendrons chascune à part soy, à fin que en leur rendant leurs noms anciens, les accompagnons avecques les noms Françoys, pour mieux les descrire par le menu. Il n’y ha contree en nostre Europe & Asië, & principalement vers les rivages des eaux, ou les paisants, n’ayent acoustumé de nourrir des Canes & Canards, tout ainsi comme des Oyes, qui est la cause que ne les voulons descrire aucunement, car le portraict nous semble suffire en leur endroict.

Du Cormarant.
CHAP. VII.


LE Cormorant est cogneu en toutes contrees, & est seul entre touts les oyseaux qui ont le pied plat, (hor mis le Biëvre, que descrirons cy apres) qu’on puisse voir se percher sur branche. Il est du nombre de ceux qui font le plongeon, & qui se paissent aussi bien en l’eau salee comme en la douce. Les seigneurs prennent souventesfois plaisir en luy donnant la chasse, principalement entour Venise : car ils choysissent un temps calme, & se mettent sur certains petits bateaux legers, deux ou trois douzaines de compagnie, qu’ils nommment fissoleres voguees à cinq ou six hommes chascune, & estants sur mer, vont comme un carreau d’arbaleste : parquoy ayants entourné le Cormorant, lequel ne pouvant prendre secousse à se darder en l’aer, demeure suffoqué. Car les Seigneurs tenants les arcs à jalets, luy tirent soudain qu’il luy voyent la teste hors de l’eau, & à la fin le rendent si lassé, qu’ils le prennent en plaine mer. Cest un beau spectacle de voir un tel deduit, comme aussi de voir un Cormarant tenant une anguille moyennement grosse. Car l’ayant prinse en l’eau, & luy convenant venir dessus pour l’avaler, faut le plus souvent qu’il la combate longuement avant que d’en venir à