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Du Pelican.
CHAP. II.


APRES le Cygne il n’est oyseau de riviere en nostre cognoissance, de si grande corpulence que celuy que les Grecs ont nommé Pelecanes, & les Latins Onocratalus ou Platalea. Ce Pelican est si semblable au Cygne, qu’il n’y ha difference entre eux, fors qu’on luy voit comme un grand sac de cuïr par dessous la gorge, ou lon pourroit bien mettre une quarte de liqueur, & duquel les pescheurs d’Egypte se servent sur le Nil en lieu d’autre vaisseau pour tenir l’eau en leur nasselle. Car c’est une matiëre moult resemblante à du cuïr, qui ne se corrompt en l’eau. La partië du bec qui est attachee à la machouëre par dessous, luy sert de manche, par laquelle on ha accoustumé le tenir pour s’en servir. Il est à presuposer que ceux qui ont nommé la Pale ou Cueillier du nom de Poche, ont prins argument de cestui Onocrotalus : car ce seroit mal à propos le nommer Poche : veu qu’il ha un sac sous la gorge de si grande estendue. Il ne seroit different au Cygne n’estoit que le susdit sac en fait difference, & aussi qu’il ha des plumes longues par le derriere de la teste, qui luy font une hure, tenant quelque chose d’une creste telle que dirons en l’oyseau, que les Françoys nomment un Biëvre, ou prouverons que le Biëvre est comparé en forme à l’Onocrotalus. Et à fin qu’on entende de quel oyseau voulons parler, nous le descrirons selon que l’avons observé, l’ayant veu vif à Rhodes, à Salonici, & sur les rivieres du Nil, & de Strimone, & sur la mer Mediterranee, & au Propontide, & aussi sa peau remplie de bourre penduë aux portaux des maisons & places publiques en plusieurs lieux d’Alemaigne & Boheme. Quelques pourvoyeurs & chaircuitiers Françoys (comme dit est) nomment aussi les Pales de nom Poches, mais c’est improprement. Encores y a quelques uns qui nomment ce Pelican Livane, de diction qui est trouvee commune en la bouche du peuple de Brabant & Henaut. Un oyseau de corpulence d’un Cygne, à ce qu’on nous ha raporté, fut pris en vie au païs de Flandre, & presenté à l’Empereur Charles cinqiesme de ce nom, ayant la gorge si grande qu’on y pouvoit aysement mettre le pied dedens, & duquel ayant veu la peincture, l’avons recognuë estre Onocrotalus. Parquoy ne sçavons de quelle occasion le nomma Libane. Les Flaments le nommoyent en leu langue Vokel vonetne, qui signifie oyseau de l’Etna. Mais delaissant ces dictions, reprendrons à son ancienne appellation. Combien qu’elle soit Greque, toutesfois les Latins l’ont gardee entiëre Onocrotalus sans la tourner, qui leur signifie autant que qui diroit le brayëment d’un asne. Possible que ce sont eux que Festus ancien autheur ha nommé en Latin Truones. Plusieurs sçachants que Onocrotalus prend son appellation de son cry, comme qui diroit, Asmi rugitum, ont pensé que ce fust le Butor : mais nous monstrerons en autre chapitre parlant des Herons, que c’est bien autre chose, n’estoit que voulussions ensuyvre l’opinion de quelques autheurs qui en ont constitué deux especes, l’une aquatique, l’autre terrestre. Onos en Grec est à dire Asne, & Crotalos, signifie bruit, quasi comme si c’estoit cest oyseau qui fait le bruit que nous entendons des Butors en esté en noz marais de France. Mais sçachant que chascun observe telle voix,