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Roc, ou elles se tenoyent penduës par deux petits crochets qui sont en leurs aelles, qui est une merque que nous ne trouvons point en celles de deça. Chacune fait deux petits, & ne se trouvent jamais passer ce nombre, & le plus souvent n’en ont qu’un seul : car nature ne leur ha octroyé que deux mammelles. Chose que sçavons pour en avoir tranché une vingtaine des pregnantes, & pour avoir veu leurs anatomiës, que maintenons estre comme celle d’une Souris. Ceste Chauvesouris porte ses petits en la matrice envelopez de leurs arrieres fais. Elle ne fait aucun nid, & lors qu’elle rend ses petits, ne se tient appuyee contre aucune chose. Mais se pend par les pieds & par les crochets de ses aelles & demourant penduë est renversee, & tient ses petits sur sa poictrine les allaictant comme un animal terrestre. Et au bout d’un jour ou deux, les pend par les crochets de leurs aelles, à fin qu’ils demeurent lá, pendant qu’elle va au pourchas de sa pasture. Mais puis qu’elle les rend envelopez de leur arriere fais, il est necessaire qu’elle ait l’industrie de les desnuer avec les dents, & les separer da’vec le nombril. N’est-ce donc pas grande benignité de la sagesse de nature en l’endroit des animaux, que les amusant à rendre leurs petits, & les detenant quelques jours sans leur donner loisir de pourchasser leur pasture, lors qu’ils ont plus grand affaire de nourriture pour les alaicter, ha sceu prevoir à ce qu’ils ont default ? Ce qu’elle leur ha apprins à manger leurs arrieres fais, ou secondines, est à fin qu’elles e’en nourrissent deux ou trois jours, pendant le temps qu’ils sont amusez à faire leur gesines. Mais celles de ce païs cy, & autre d’Europe, que nature ha desnuez de crochets, se tiennent es fendaces des poultres, ou des soliveaux, ou elles eslevent leurs petits en autre maniëre. Lon ne trouve point que les Chauvesouris emportent leurs petits en volant. L’exemple est en plus de quatre mil dedens la pierriere de Crete, qui toutes les avoyent laissez pendus, dont n’y en eut pas une qui bougeast son petit pour nostre arrivee. Les Chauvesouris sont quasi aussi noires que Rats, ayants les aureilles beaucoup grandes, dont y en ha qui en ont quatre. Toutes les ont noires, comme aussi sont les prunelles de leurs yeux. Elles ont le bec bien grand, les naseaux à la maniëre d’un Veau, & les maschouëtes entournees de poil long, & noir, bien garniës de dents jusques au nombre de trente & quatre, desquelles dixhuit sont en la maschouëre denbas, & seize en celle d’en hault. Les dents sont rondes, & longuettes, & entre autres y en ha deux dessus, & deux dessous à la maniëre des canines, chose qui n’advient aux Rats, & Souris. Sa langue est longue comme celle des animaux qui vivent de chair. La voix qu’elle fait en criant, est claire & plus aëree, que d’une Souris. Ses aelles sont faictes de membranes qui ne contiennent point de sang, & luy commençants depuis l’espaule, leurs prennent tout le long des aelles : & entournent les jambes, qui ont quatre articulations, dont se servent au lieu de pieds, tant de devant que derriere. Elles ont cinq doigts en chasque pied, assez bien munis dongles crochus, ayants une paulme ouverte es pieds de derriere, ressemblant à une main. Leur queuë est toute entournee de membranes, au moins en Europe : car elle passe oultre en celles d’Afrique. Au reste les autres partiës interieures conviennent totalement avec celles d’une Souris.

FIN DU SECOND LIVRE.