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Nous pretendons parler de l’oyseau de nuit, que nous oyons de cry si effrayant, & qui est de si horrible voix. Lon peut asseurer qu’il est espece particuliere differente à touts autres oyseaux de nuit. Ses yeux sont ronds & moult petits, chose en luy digne d’estre regardee à deux fois, sçachant que les autres oyseaux de nuit les ont egarouillez, & excessifs en grandeur Il est de corpulence beaucoup moindre qu’un Hibou, portant mesmes madrures sur ses plumes : toutesfois il est d’autre couleur, sçavoir est quelque peu plus noirastre, moucheté de plombé, principalement sur le bout des aelles, & de la queuë. Ses jambes & pieds sont couvertes de plumes, ayants bons ongles voultez, agus, & noirs, ainsi ordonnez comme est dit des Chatshuants. Sa teste & son bec monstrent incontinent manifeste distinction : d’autant qu’il est plus droit, aprochant de celuy d’un Corbeau, & au demeurant porte telle ouverture d’aureilles sur les ouïes, comme ha esté dit des autres oyseaux de nuit. Si d’aventure cestuy qu’avons descrit, n’estoit l’Aegotilas d’Aristote, Fur nocturnus de Pline, & Strix d’Ovide, au moins sera il tousjours advoué pour l’Effraye ou Frezaye des Françoys, lequel pourrons monstrer estre d’espece differente, tel qu’encor maintenant gardons salé, conservé avec ses plumes. Aristote dit que Aegotilas fait sa demeure en Grece par les montagnes : toutesfois nostre Effraye est aussi trouvee en noz plaines, faisant son nid es pertuïs des vieilles tours, & des rochers precipiteux : comme aussi es creux des chesnes. La courtoisie de Monseigneur de Vieille ville, du païs d’Anjou, tresprudent & sage, gentil homme de la chambre du Roy, Chevalier de son ordre, & son lieutenant à Mets, ha esté moyen de nous faire recouvrer ceux desquels avons fait retirer les portraicts : Car peres & petits nous ont esté apportez en vie, prins es prochaines forests des contrees de Mets, lors qu’il nous y employa pour servir en l’estat de nostre profession.

Du Corbeau de nuit, nommé en Grec & Latin Nicticorax.
CHAP. XXXVI.


CE MOT Grec Nicticorax, ha esté tourné par Theodore en Aristote, au troisiesme chapitre du huittiesme livre des bestes, en ceste maniëre. Nocturnarum etiam nonnullae aduncis unguibus sunt, ut Cicunia, Noctua, Bubo. Car il met Cicunia en Latin, pour le Grec Nicticorax : & toutesfois Nicticorax signifie Coruus nocturnus, comme qui diroit en François Corbeau de nuit. Lon ne trouve Cicunia en aucun autre autheur Latin : parquoy se seroit autant dire Cornus nocturnus pour Nicticorax, que de prononcer Cicunia : veu mesmement que Pline, qui l’avoit peu lire en Aristote, n’ha onc usé de telle diction Latine Cicunia, ains ha dit Cornus nocturnus. Comme aussi est à presupposer qu’Aristote ha mis le Nicticorax comme pour oyseaux de nuit, tel, possible, que le grand Duc. Certains autheurs veulent que Asio & Nicticorax, soyent une mesme chose. Et Strabo qui estoit de Crete, est contraire en opinion à Solin, qui escrit, qu’il n’y ha aucun oyseau nocturne, vivant en Grete. Mais Strabo dit que Nicticorax n’est pas semblable en touts lieux. En nostre païs (dit il, entendant de Crete) il est egal en grandeur à une Aigle,