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de quelque peu de taches noires : & le bec blanc, & les ongles croches. Ses jambes sont blanches, couvertes de plumes : mais les pieds sont seulement pelus. Aussi ha le dos plombé, moucheté de taches blanches, estant moult bien garny de plumes, qui le font apparoistre gros quasi comme un Chapon, & toutesfois n’a chair pour une petite Poulle. Ses aelles sont bien grandes, & qui passent outre sa queuë, & quand il vole, il ne fait aucun bruit. Mais nature ha fait cela, voulant qu’il peust aller si bellement, que volant de nuict il n’espouventast point sa proyë. Il prend les Souris comme un Chat, dont il en tient son appellation Françoyse. Car on le nomme aussi un Chahuant, d’autant qu’il crie la nuict en huant, & huer est un mot Françoys, qui signifie appeller hault. Les Hibous, ou Chahuants entre les especes des oyseaux de nuict, font beaucoup de mines de la teste, qui est ce qu’Aristote au douziesme chapitre du huittiesme livre des animaux, ha dit Saltantes imitari, c’est à dire, faire les gestes des danseurs. Mais Pline au douziesme livre de l’histoire naturelle, chapitre quarente-neufiesme, en parlant de Scops, pour Saltantes imitari, ha dit Satyricos motus : Nominantur ab Homere (dit il) Scopes avium genus : naque harum Satyricos motus cum insident plerisque memoratos facile conceprim mente : neque ipsae iam aves nascuntur : Aristote l’ha nommé en Grec Eleos : les Italiens le dient vulgairement Aluco, qui est diction dont Gaza ha usé escrivant en Latin. Si le Hibou ha prins un oysillon, une Souris, ou un Rat, il l’avalle tout entiër, mais il rend sa cure en sorte, qu’avant qu’il se remette à manger autre chose, il revomist les plumes, & les os, tout ainsi que l’Alcion rend les arestes des petits poissons. C’est merveille tant il ha le gosiër large : car il avalle les morceaux aussi gros qu’un œuf. Si le Hibou est assailly, ou pressé de se deffendre, il se met à la renverse, & se defend avec les ongles, & griffes : comme aussi font les autres oyseaux de nuict. Ce que Pline ha noté au chapitre des Cheveches. Le Hibou vole de travers, comme fait le Heron. Mais il y ha deux especes de Hibous, dont le petit est plus rare à voir, combien qu’on le puisse bien ouïr la nuict, & faire peur aux hommes timides, & qui est celuy qu’on nomme une Fresaye, ou Effraye, de laquelle sera parlé par cy apres.

Des deux maniëres de Cheveches.
CHAP. XXXIII.


IL y ha deux maniëres de Cheveches, toutes deux differentes au Hibou tant cornu, que sans cornes, & à la Hulote : L’une est petite, l’autre est plus grande, qui est moult commune, & cogneuë d’un chascun. La grande est de moindre corpulence qu’un Hibou, mais plus grande que la Hulote. La petite n’est de si grande corpulence que la Hulote. Elles ont une particuliere merque qu’on ne doit laisser en arriere, c’est que leurs jambes sont pattuës, & leurs pieds pelus, & aussi que les doigts sont mipartis : car elles ont deux ongles derriere, & deux devant. Leur queuë n’est guere longue, & sont totalement tachees de blanc, & gris, ayants la teste fort grosse, & les yeux fort grands, qui sont noirs au milieu, & jaulnes tout à l’entour, c’est à dire en celle partië que les Latins appellent Iris, en loeil. Aussi ont le dessus de la teste quasi comme encavé ; mais telle merque provient des plumes, qui sont ainsi ordonnees.