Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/168

Cette page n’a pas encore été corrigée

la nourriture d’un seul, ou deux Coqus, encores qu’ils mangent par jour autant de viandes, qu’eussent peu faire leurs six petits oysillons. Le Coqu est bon à manger, principalement quand il est petit : car autrement lon n’en fait grand estime. Il est quasi de la grandeur d’un Espervier : mais il n’ha les jambes & les cuisses si longues, & aussi il n’ha son bec si crochu, ne si fort. Le Coqu ha les jambes pattuës, c’est à sçavoir qu’il y ha des plumes attachees par le dehors, qui luy couvrent les jambes jusques dessus les pieds, qui sont de telle nature qu’il ha deux doigts derriere, & deux devant, & desquels ceux de la partië du dehors sont les plus grands, comme es Pics-verds. Aristote l’ha assez diligemment examiné, & descrit au septiesme chapitre du sixiesme livre des animaux, disant que le peuple de son temps estimoit, que le Coqu fut engendré d’un oyseau de proye : pour ce (dit il) qu’il est moult semblable à un oyseau de proyë. Mais de quel oyseau il ait voulu entendre, il est difficile de le sçavoir, n’estoit que nous voulussions dire que c’est de l’Espervier : car mesmement le Coqu est semblable à un Espervier, sinon que l’Espervier ha ses taches blanches par longues lignes, mais le Coqu ha les taches rondes comme poincts tels que le Lanier. Aristote avoit aussi entendu ses couleurs, quand au mesme lieu il dit : Cuculus neque aduncis unguibus est, ut Accipiter, neque capite Accipitri similis, sed ex utraque parte Columbum potius quam Accipitrem repraesentat : nec alio, quam colore imitatur Accipitrem, nisi quod Accipiter maculis distinguitur, seu lineis, Cuculus velut punctis. Magnitudo atque volatus similis Accipitrum minimo, qni magna ex parte per id tempus non cernitur quo Cuculus apparet : nam vel ambo una visi aliquando sunt. Nous trouvons une equivoque en nostre langue, qu’on ha faicte du Coqu, quasi conforme à ce qu’on lit en Aristote. Cuculus (dit il) ex Accipitre fieri immutata figura a nonnullis putatur : quoniam quo tempore is apparet, Accipiter ille cui similis est, non aspicitur : or Accipiter signifie aussi bien le Faucon, que l’Espervier. Parquoy ceux qui dient que le Faucon est le pere du Coqu, conviennent en partië avec ce qu’ils disoyent anciennement Cuculum ex Accipitre fieri, toutesfois ils n’y entendoyent aucun equivoque.

Des dix especes d’oyseaux, qui volent la nuict.
CHAP. XXIX.


IL est mal aysé qu’on puisse rendre raison, pourquoy nature feit, que quelques oyseaux voleroyent la nuict, & ne bougeroyent le jour, sinon qu’en comparaison d’eux, lon en die comme des bestes à quatre pieds : car nous voyons quelques animaux sauvages se paistre la nuict, & demeurer le jour en une place, qui toutesfois voyent plus clair le jour que la nuict. L’experience en est es Rats, Cerfs, Regnards, Loups, Lievres, & quasi toutes maniëres de Serpents iceux sentants le jour finer, partent les uns de leurs creux, les autres de leurs formes, les autres de leurs bauges, & se reposants quelques heures de la nuict, se remettent encor au pourchas vers le poinct du jour. Le semblable est des oyseaux de nuict, esquels lon trouve enseignes, qui monstrent que nature les ha favorisez plus que les bestes terrestres, leurs donnant de moult gros yeux à fleur de teste, bien umbrez de touts costez, ayants choses correspondentes aux sourcilles, tellement qu’oultre