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trois poils de barbe en chasque costé du bec, qui est coché à la maniëre des oiseaux de proyë. Ces Pies griesches empongnent leur viande en la mangeant avec le pied eslevé en s’appuyant de la jambe dessus la perche : & lá ou elles auront peur de quelque chose, font un cry d’effray, & remuants leur queuë de costé & d’autre, la tiennent beaucoup haulsee. Ceste Pie griesche delivre les terres labourables des Mulots & Souris. Elle se tient penduë en l’aer en la maniëre des Cresserelles, mais non si hault, & s’assied souvent sur les chardons : car ayant failly sa proyë, se repose sur la premiere tige d’herbe qu’elle trouve lá.

Du Milan Royal.
CHAP. XXVI.


TOUT ainsi que les Françoys cognoissent deux especes de Milans, l’un nommé le Milan Royal, l’autre le Milan noir : Semblablement Aristote en ha escrit deux especes au sixiesme chapitre du sixiesme livre de la nature des animaux, les nommants en son langage, Ictini, & les Latins Milvi. Maintenant les Grecs qui ont changé leurs noms anciens, les nomment Licadouria. Le Royal n’ha aucun surnom ne en Latin, ne en Grec : mais le noir est surnommé Aetolius. Ce Royal est ainsi appellé, pource qu’on en fait un moult plaisant vol pour le Sacre : qui est communement dedié pour l’esbatement, & plaisir des grands Seigneurs, & est ja venu que telle distinction du Milan Royal au noir, est cogneuë d’un chascun. Le Milan noir est oyseau de passage. Le Royal est quelque peu plus noir, & est beaucoup plus commun. Pline au X. livre de l’hist. naturelle, X. chap. l’ha mis au nombre des oyseaux de proyë, ce que n’ha fait Aristote. Pline au mesme lieu dit, qu’il est nostre enseigneur de sçavoir gouverner les bateaux, nous monstrant au ciel, comme il faut faire en l’eau. Aussi dit qu’il demeure caché en hyver apres les Irondelles, & qu’au temps du Solstice il devient malade de la Podagre. Ce Milan est coustumier de se tenir l’esté assez hault en volant. Parquoy les grands seigneurs, qui veullent avoir plaisir de son vol, le font combatre au Sacre, & pour le faire descendre font tousjours porter un Duc sur le poing d’un fauconnier, à qui ils pendent une queuë de regnard au pied, & le laissants voler en quelque plaine, donne soubdainement vouloir au Milan de descendre : Car quand le Milan avisera le Duc, incontinent descendra à terre, & se tiendra joignant luy, ne luy demandant autre chose sinon que de le regarder. Alors on lasche les Sacres sur luy : mais se sentant leger, espere le gaigner à voler. Parquoy il monte soudainement contremont en tournoyant : car comme il est oyseau leger, & de foible nature, monte tousjours le plus hault qu’il peut, & lá le combat est plaisant à voir, principalement si c’est sur plaine sans arbres, & que le temps soit clair & sans vent. On les voirra, & Sacre & Milan monter si hault, qu’on les perd tous deux de veuë. Mais rien ne luy sert : car les Sacres le rendent vaincu, l’amenants contre terre à force de coups qu’ils luy donnent par dessus. Lors qu’il fait si grand chauld au cœur d’esté que toutes choses bruslent d’ardeur, & que nul oiseau ne peut durer s’il n’est en l’ombre, ne prend lon point de merveille de voir les Milans si hault en l’aer à l’effort en