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de dessus le dos luy semble estre madré, non plus que par dessus les aelles, & que de la queuë. Et si d’avanture il y ha des madrures, elles sont petites, rondes, & blanchastres : mais quand il estend ses aelles, & qu’on le regarde par le dessous, ses taches apparoissent contraires à celles des autres oyseaux de proye : car elles sont rondes, & semees par dessus, comme petits deniers : nonobstant, comme avons dit, les pennes de devant, & de dessous la poictrine, ont les bigarures estenduës en long sur les costez de la penne. Son col est court & grosset, comme aussi est son bec. Le Laniër est femelle, & dont le masle est nommé Laneret. Le Laneret n’est de si grosse corpulence que sa femelle, aussi est il moins estimé : mais au demeurant est presque semblable en plumage. Il n’est aucun oyseau de proyë qui tienne plus constamment sa perche. Et pource qu’il ne s’en part l’hyver, il convient aucunement avec ce que Pline dit de Aesalon. Aesalon (dit il au dixiesme livre de l’histoire naturelle, chapitre huittiesme) demeure avec nous l’hyver, & nous apparoist en touts temps, contre la façon de faire des autres, qui ne se tiennent que l’esté en noz contrees. Les fauconniers voulants faire le Lanïer Gruyer, le mettent en une chambre basse si obscure qu’il ne puisse voir aucune lumiere, sinon lors qu’ils luy baillent à manger, & aussi ne le tiennent sur le poing que de nuict. Et lors qu’ils sont prests de le faire voler, font feu en la chambre pour l’eschauffer à fin de le baigner en pur vin : puis l’ayants essuyé, le font repaistre de cervelle de Geline : Et se partants devant le jour, celle part ou est leur gibbier, le jectent de loing à la Grue, deslors qu’il commence à estre jour. Et s’il ne prend pour ce jour lá, c’est tout un : car les jours ensuyvants il sera bon, & principalement depuis la my Juillet, jusques vers la fin d’Octobre. Encor apres la mue sera meilleur que paravant : mais il n’est bon en temps d’hyver.

De la Cresserelle.
CHAP. XXIII.


COmbien que la Cresserelle soit oyseau de rapine, toutefois Aristote ne l’ha mise en ce nombre. Aussi la cognoissons nous pour l’un des oyseaux de moindre courage qui y soit. Elle ne se paist gueres sinon de Souris, & Mullots, Rats, Lezars, & autres vermine qu’elle trouve par les champs, ou elle fait un bien que nous devons beaucoup estimer, principalement par les terres labourables. Il nous fault confesser, que si ce n’estoit elle, & les Milans, & Buses, il y ha plusieurs païs ou les Rats, Mullots, & Souris feroyent si grands dommages, quils contraindroyent les habitants de delaisser leurs terres. Il n’y ha aucune difficulté en son appellation Latine & Greque, sinon à sçavoir si celle qu’Aristote, au premier & second chapitre, du sixiesme livre de la nature des bestes, ha nommee Cenchris, est celle que Pline au trente-septiesme & cinquante-deuxiesme chapitre, du dixiesme