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De l’Espervier.
CHAP. XXI.


QUELQUE part qu’il y ait des Pinssons, & que l’Espervier passe, on les oirra crier à haulte voix, & se le signifier de l’un à l’autre : car entre les oysillons les Esperviers ayment à manger les Pinssons. Mais c’est que les Pinssons descendants l’hyver es plaines, & volants à grandes trouppes, se donnent pour pasture aux Esperviers : lesquels (sauf meilleur jugement) il nous semble qu’ils ne partent aucunement de noz contrees. Aristote (à nostre advis) entend des Esperviers par ceux qu’il ha nommé Fringillarij. Nous estions à la bouche du Pont Euxin, celle part ou commence le destroit du Propontide estants montez dessus la plus haulte montaigne qui est lá, ou trouvasmes un oyseleur qui prenoit des Esperviers, de belle maniere. Et pour autant que c’estoit vers la fin d’Avril, lors que touts oyseaux sont empeschez à faire leurs nids, il nous sembloit estrange voir tant de Milans, & d’Esperviers venir de la part de devers le costé dextre de la mer majeur. L’oyseleur les prenoit avec grande industrie, & n’en failloit pas un. Il en prenoit plus d’une douzeine chasque heure. Il estoit caché derriere un buisson, & au devant duquel avoit faire une aire unië, & quarree, qui avoit environ deux pas en diametre, distante environ à deux, ou trois pas du buisson. Il y avoit six bastons fichez au tour de l’aire, qui estoyent de la grosseur du poulce, & de la hauteur d’un homme, trois de chasque costé, à la summité desquels y avoit en chascun une coche entaillee du costé de la place, tenant un rets de fil verd fort delié qui estoit attaché aux coches des bastons tenduz à la haulteur d’un homme : & au miliëu de la place il y avoit un piquet de la haulteur d’un coulde : au feste duquel il avoit une cordelette attachee, qui respondoit à l’homme caché derriere le buisson. Aussi avoit plusieurs petits oyseaux attachez à la cordelette, qui paissoyent le grain dedens l’aire, lesquels l’oyseleur faisoit voler, lors qu’il avoit aduisé l’Espervier de loing, venant du costé de la mer. Et l’Espervier ayant si bonne veuë, des ce qu’il les voyoit d’une demie lieuë, lors prenoit son vol à aelles desployees, & venoit si roidement donner dedens le filé, pensant prendre les petits oyseaux, qu’il demouroit encré leans ensevely dedens les rets. Alors l’oyseleur le prenoit, & luy fichoit les aelles jusques au ply dedens un linge, qui estoit la tout prest expressement cousu, duquel il luy lioit le bas des aelles, avec les cuisses, & la queuë : & l’ayant cillé laissoit l’Espervier contre terre, qui ne pouvoit ne se remuër, ne se debatre. Nul ne sçauroit penser de quelle part venoyent tant d’Esperviers : car estants arrestez deux heures, il en print plus de trente, tellement qu’en un jour un homme seulet en prenoit bien pres d’une centene. Les Milans, & Esperviers venoyent à la file, qu’on advisoit d’aussi loing que la veuë se pouvoit estendre. Les fauconniers, qui traictent diverses especes d’Esperviers, les nomment diversement selon divers accidents : car ceux qui sont muëz de bois, & ne tiennent point au sort, sont nommez Ramenages. Les autres qui ne sont muëz, & qui sont nouvellement sortis du nid, & ont esté quelque peu à eux, sont nommez Niais. De telle sorte fait bon choisir our apprendre : car ce sont ceux qu’il fait le mieulx apprester pour s’en servir, comme aussi