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cy dessus dit estre de couleur fauve : & pour fauve couleur entendons, comme est celle du poil de Cerf. Et si bien Aristote la nomme Chrysaetos, qui est à dire Aigle doree, il ne fault pourtant entendre que sa couleur soit tant doree, mais est plus rousse que des autres especes. Les peintres, & statuaires Romains la desguisent en leurs portraicts, mais chascun sçait qu’elle est autrement, & que ce qu’ils en font es armoiriës de l’Empire, est pour le plaisir du peintre. Les Aigles tant noire que fauve, sont escorchees comme les Vautours : car leur tirant les longues plumes, la peau demeure avec le fin duvet, qui ressemble proprement à une fine pelice d’ermines. Parquoy les paisants advertis de cela, les prennent par les montaignes, & les nous envoyent avec les autres peaux, & estants venuës en France, les peletiers des grosses villes les font conroyer avec les peaux des Vautours : chez lesquels on les peut voir avec leurs aelles, testes, & pieds, de telles couleurs, qu’avons cy dessus representé en portraict.

De l’Aigle noire.
CHAP. V.


BERGERS, & hommes champestres peuvent bien souvent enseigner les bourgeois, & habitants des villes, en beaucoup de choses dont la cognoissance est totalement mise en l’observation d’icelles. Qui auroit il dedens les villes si on ne l’avoit apporté des champs : Ce seroit en vain de nous vouloir entremettre sçavoir cognoistre les oyseaux, & les mœurs d’iceux, sans estre allé les voir es lieux ou ils se tiennent. Parquoy pour comprendre que L’aigle noire (qu’Aristote au trente-deuxiesme chapitre du neufiesme livre de la nature des animaux, nomme Melanoaetos, & Lagophonos,) est autant differente à la rousse, comme est le Milan noir au Royal, le fault avoir observé aux montaignes. C’est celle que les Latins ont nommé Pulla, Fulvia, Leporaria, & aussi Valeria. Il est bien vray qu’on ne les peut bonnement distinguer, sinon par la seule grandeur : car ceste noire est plus petite : Aristote, à ce qu’on peult sçavoir par conjecture, ayant touts les moyens qu’il vouloit, & autant de gents qu’il estoit besoing pour prendre les oyseaux en toutes les regions du monde, avoit si grande facilité de les recouvrer, que quand il mettoit gens en besongne ce n’estoit pas pour un petit. Et luy parlant de ceste Aigle noire, l’a mise au tiers ordre des Aigles. Pline au dixiesme livre de l’histoire naturelle, chapitre troisiesme, ne l’a pas ensuyvi : car il l’ha colloquee au premier ordre entre les Aigles, quasi comme s’il l’eust voulu preferer à toutes autres especes. Aristote en ha dit telles louanges, qu’on la peut encor plus estimer que la sixiesme, dont avons des-ja parlé, & qu’avons mise la premiere. Ceste noire estant de moindre corpulence que les autres (dit il) est de plus grande vertu, & à fin que puissions mieux exprimer ses louanges en Françoys, telles que Aristote les ha dictes, il nous ha semblé bon mettre les mots en Latin. Una haec, dit il, foetus suos alit, atque educit, pernix, concinna, polita, apta, intrepieda, strenua, liberalis, non inuida est, modesta etiam nec petulans, quippe quae non clangat, neque lippiat, aut mur muret. Pline, qui de mot à mot en autres endroicts ha suyvi Aristote, n’ha pas mis