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& le bec noir, long, & crochu par le bout. Les queuës du grand Aigle Royal & aussi du petit noir, sont courtes, & robustes par le bout quasi comme celles des Vautours. Il y en ha plusieurs entre lesdictes six especes d’Aigles, de si petit courage, qu’on ne les sçauroit leurrer à la fauconnerie : qui est cause que nous ne cognoissons maintenant soubs le tiltre d’Aigle, que le noir, & le fauve. Ceux qui dient qu’il y ha des grandes Aigles, des autres moindres, & des plus petites, faillent en la distinction, s’ils ne l’entendent en diverses especes d’oyseaux, & qui ont appellation diverse : car de ceste espece d’Aigle, il n’y en ha aucune qu’on puisse nommer moyenne, ou plus grande, qui ne luy donne un surnom de noire, fauve, ou autre tel nom propre : Car l’Aigle est tousjours de mesme corpulence. Et si ce n’estoit qu’elle est si lourde à porter sur le poing (& de vray elle est moult grande) & aussi qu’elle est difficile à apprivoiser du sauvage, lon en voirroit nourrir aux fauconniers des Princes plus qu’on ne fait. Mais pource qu’elle est audacieuse & puissante, pourroit faire violence si elle se courroussoit contre le fauconnier, & luy blesseroit le visage. Parquoy qui la veut avoir bonne, il la fault prendre au nid, & l’apprivoiser avec les chiens courants, à fin qu’allants à la chasse, & la laissant voler suyvant les chiens, lesquels ayants levé le Lievre, Regnard, Chevreul, ou autre telle beste, l’Aigle descende dessus pour l’arrester. Rouge couleur en l’Aigle, & les yeux parsons, principalement s’est elle nee es isles occidentales, est signe de bonté : car rousse Aigle est trouvee bonne. Aussi blancheur sur la teste, ou sur le dos, est signe de meilleur Aigle. L’Aigle partant du poing qui vole au tour de celuy qui la porte, ou s’assied à terre, est signe qu’elle est fugitive. Quand l’Aigle espanouïst la queuë en volant, & tournoye en montant, est signe quelle dispose de fuïr : le remede est de luy jecter lors son past, & la rappeller moult fort. Et si elle ne descend à son past, ou pour avoir trop mangé, ou pour estre trop grasse, il fault luy coudre les plumes de sa queuë à fin qu’elle ne les puisse espanouïr, ne voler d’icelles : ou bien luy plumer le tour du fondement, en sorte qu’il apparoisse, & lors craignant la froidure de l’aer ne taschera à voler si hault. Mais ayant la queuë consuë, fault doubter les autres Aigles : car alors elle ne les pourroit eviter. Quand l’Aigle tournoye sur son maistre en volant sans s’esloigner, est signe qu’elle ne fuïra point. Ja ha esté veu que l’Aigle ha peu arrester un Loup, & le prendre avec l’aide des chiens. C’este Aigle fait communement son nid au costé de quelque roche precipiteuse à la summité d’une haulte montaigne, combien qu’elle la face aussi sur les haults arbres des forests. Lon dit que les paisants qui sçavent le nid d’une Aigle, voulants desnicher les petits, se font bien armer la teste de peur que l’Aigle ne leur face mal, & s’ils ostent un seul petit, & le tiennent lié à quelque arbre aupres du nid, icelluy appellera sa mere, laquelle l’ayant trouvé, luy apportera tant à manger, que celuy qui l’aura attaché, trouvera assez de gibbier touts les jours pour luy, & six autres compagnons : car la mere luy apporte Lievres, Connins, Oyës, & autres telles viandes. Il ha esté trouvé que l’Aigle ait peu empongner une Poulle couvant ses petits dessoubs l’aelle, & la porter toute vive, & entiere sans la blesser, jusques au lieu ou son petit estoit lié au pied de l’arbre. Les Aigles nourrissent leurs petits jusques à ce qu’ils ont puissance de voler : car des l’heure qu’ils sçavent voler, les peres les chassent hors du nid, & oultre ne leur permettent se tenir en celle contree, à fin que le païs ou iceux ont fait leur aire ne soit depeuplé, dont ils