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qu’elle assault les lieüvres, Lagophonos, & Leporaria. On la nomme aussi Valeria. Elle est de plus petite corpulence que les autres, mais pour cela ne laisse à estre de grande vertu & bonne nature : c’est celle que nommons l’Aigle noire. La quatriesme espece ha la teste blanchastre : & pource qu’elle ha quelque similitude de Vautour, elle fut dicte en Grec de nom composé Gypaetos, qui signifie Aigle-vautour. Et aussi parce qu’elle porte des taches es aelles, fut nommee Percnopterus : & pource qu’elle est de grande corpulence, fut nommee Oripelargos, qui est à dire Cigoigne de montaigne. Or est-elle Aigle bastarde, debile, pesante, & lourde, criarde, se plaignant tousjours. Aussi est elle batuë des corbaux, & dechassee de moindres oyseaux, & se tient communement le long des forests. Laquelle nous semble estre celle que nommons Buse. La cinquiesme espece est celle que les Grecs nomment Haliaeetus, car elle hante les rivages de la mer, & mange le poysson es estangs en terme ferme. Qui voudroit rendre ce nom en Françoys pourroit dire Aigle de mer. Nous la nommons en Françoys, Orfraye. La sixiesme Aigle, pource qu’elle est vraye, & legitime en ceste espece, ha esté nommee de nom Grec Gnesion, ou bien d’autre diction Greque pour sa couleur fauve Chrysaetos, & en latin Stellaris : c’est celle que nous nommons l’Aigle royal, qui est de plus grande corpulence que nulle des autres, aussi est plus rare à voir : car elle se nourrist par les summitez des haultes montaignes. C’est ceste cy, qu’on ha nommee l’Aigle de Juppiter. Quelques autheurs pensent que l’Aigle de Juppiter ne se paist de chair, mais seulement mange de l’herbe. Ce neantmoins ceste sixiesme cy prend Gruës, Lieüres, Chevreux, & autres bestes terrestres. Voyla donc l’ordre, qu’Aristote ha tenu en descrivant les Aigles : mais nous les voulons examiner, à fin qu’en les descrivant separement ayons lieu de les nommer de noms modernes. Les especes d’Aigles, entant que toutes sont d’ongle crochu, se paissent naturellement de chair, toutesfois aucunes estants pressees de la faim, se saoullent de fruicts d’arbres. Toutes les dessusdictes especes ne nourrissent leur petits de mesme façon : car l’une leur est plus fascheuse, & l’autre plus benigne. Et y en ha mesmement de si courtoises, qu’elles nourrissent les petits dejectez & delaissez des autres. Parquoy commençants à la description de chascune, dirons premierement de la fauve, puis apres la noire, & ainsi consequemment des autres, qui sont venuës à nostre cognoissance. Pline au troisiesme chapitre du dixiesme livre de l’histoire naturelle, les distingue comme sensuit. Melaenaetos, (dit il) fut nommee Valeria. Elle est de petite corpulence, mais principale en vertu. Elle seule ne fait aucun cry, & se tient es montaignes. La seconde est nommee Pygargus, qui ha la queuë blanche, qu’on voit par les champs entre les villages. La tierce est nommee Morphna, & par Homere Percnos, par les autres Plancus. Elle est la plus noire des Aigles, & qui ha la queuë plus longue. Ceste-cy trouvant les Tortuës, les enleve à mont, à fin qu’en les laissant tomber, leur escorce se rompte à terre, pour les manger : dont Eschylus le Poëte, qui ne se vouloit tenir es bastiments de peur de ruine, fut tué. La quatriesme Oripelargus, fut aussi nommee Percnopterus, ressemblant à un Vautour, ayant petites aelles, de plus grande corpulence que les autres. Elle est criarde, bastarde, & foible, & ayant prins sa viande l’emporte, & la mange en laer, au contraire de toutes autres qui mangent leur viande à terre. La cinqiesme est la vraye Aigle de moyenne grandeur, rare à voir, & de couleur rougeastre. La sixiesme est Haliaeetus. Or pource que ne pretendons interpreter le parler