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Que la dissection des oyseaux, & autres animaux ha esté necessaire à noz ancestres pour apprendre les sciences, & principes d’icelles : & de la santé & maladie des oyseaux.
CHAP. XXIII.


CE N’ESTOIT en esperance de faire medecines aux oyseaux, poissons, serpents, mousches, bestes terrestres, & autres animaux, que les anciens contemplateurs des choses naturelles, les ont premierement anatomisez. Mais ce ha esté à fin d’avoir meilleure intelligence de leurs actions, sçachants qu’elles ne se donnent à cognoistre sinon aux hommes speculatifs. Celuy donc qui ha estimé la contemplation des partiës interiëures des animaux de nulle utilité à nostre vie, ha demonstré qu’il veut estre ignorant des plus hautains ouvrages du grand architecte qui les ha formez : & encor plus quand il enquiert à quoy l’inspection en est profitable. Mais qui mettra son ineptie en comparaison à la prudence d’un fourmy, ou sa nonchaillance à l’industrie & artifice du nid d’un oysillon, possible qu’il en apparoistra d’autant plus ignorant. Car comme les hommes qui veulent apprendre les sciences ne peuvent rien sçavoir sans la cognoissance des premiëres lettres, tout ainsi tels idiots qui n’ont rien apprins en vivant, & qui n’ont point de sens acquis, ne peuvent dire choses plus haultaines que celles, que leur naturel leur ha apprins. Et par cela ne sçavent que c’est que de science : toutesfois veulent qu’on les estime sçavants sans se travailler à apprendre quelque chose. Qui leur parleroit des lettres a, b, c, & leur demanderoit pourquoy les unes sont nommees consonantes, & les autres voyelles, & les autres muëttes, c’est à dire Consonantes, Vocales, & Mutae, ils ne sçauroyent que respondre. Car comme avons dit, il fault prendre peine pour acquerir science : mais ils n’y ont point travaillé, aussi sont ils ignorants. Entendent donc que sans la dissection des interiëures partiës des animaux, noz premiers docteurs, ne les eussent ainsi distinguees & nommees. Les Voyelles sont dictes à cause qu’il fault ouvrir la bouche, & faire voix en les prononçant, d’autant qu’elles sortent de l’aspre artere, qu’interpretons le siflet, sans lequel il n’y ha animal qui puisse exprimer aucune espece de voix. Et les Consonantes sont dictes à cause de quelque consonance de son, qu’on fait en les prononçant. Mais les Muëttes sont quand on ne fait ne voix, ne son, ainsi quand on les prononce en fermant la bouche, s’essayant à parler sans langue, comme font les muëts : c’est de lá qu’on dit Mutire en Latin, pour ne sçavoir parler. Qui est-ce qui ha apprins cela à noz ancestres, sinon l’anatomie ? Quand nous oyons une cigale, mousche guespe, ou autre animal faire grand bruit, comment sçaurons nous discerner si c’est son, ou voix, sinon par la dissection de l’animal ? L’ignorant trouvera il point ceste enqueste de trop grande subtilité ? C’est donc par tel commencement que noz majeurs, ont apprins à faire & former leurs lettres, pour les distinguer, à les assembler en syllabes. Somme que c’est ce qui leur ha enseigné qu’il failloit ainsi ortographier. Il ne fust onc qu’il ne se soit trouvé hommes entre diverses nations, qui pour apparoistre quelque chose envers les Princes ou republiques, ont essaié controuver nouveaux mots, & escrire ainsi comme lon prononçoit de leur temps, & toutesfois il n’est en la puissance d’un homme pour