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Il y ha certains endroits, esquels lon monstre encor pour l’heure presente choses de plus grande folie, & difficiles à croire, que tout ce qui fut recité : mais il n’est libre de le declarer plainement. Toutefois lon monstre des paniers plains de plume, des lozanges de voirre, des carreaux de fer, des tuilles, des pierres & caillouz, des faulcilles, des rasoërs, du bois, de l’acier, du drap, des crapaux, des pieces de chair, & telles autres barbouilleries, qu’on dit estre sortiës hors des corps de certaines personnes malades, & qu’on dit avoir esté gueriës, apres avoir mis hors l’une des choses susdites, telles fois par l’espaule, l’autre fois par le bras, par la mamelle, l’autre fois par la bouche. Comment qu’il en soit, il n’y ha medecin & philosophe oyant ce qu’ils en dient, qui ne s’en esmerveille. Car de cracher de la plume, du voirre & telles autres choses, cela passe l’entendement des hommes. Somme que le monde n’a esté sans subtiles tromperies en quelque maniere que ce soit advenu, combien que maintenant n’ayons aucuns de telz ouvriers, qu’avons diversement nommez Aruspices, Arioli, Augures. Toutesfois il s’en trouve pour le jourd’huy plusieurs qui sont encor plus subtils : tels dis-je que ceux dont quelques autheurs Latins ont parlé, & qui promettent les royaumes à ceux, desquels ils empruntent, ou demandent un escu. Ce sont noz abstracteurs de la quinte essence, les faiseurs de pierre philosophale, qui s’adressent communement à ceux qui ont argent en bourse, & qui croyent ce qu’ils dient : Car sans la credulité, & persuasion que les riches ont de tel sçavoir, ils ne se laisseroyent si finement tromper, sans avoir esgard, qu’eux qui n’ont rien, promettent les richesses aux autres : toutesfois que s’il y avoit aucune esperance qu’il fust en leur puissance de tenir ce qu’ils promettent, ce seroit eux mesmes qui se devroyent enrichir les premiers, & puis besongner pour les autres. Mais puis que nature nous ha donné l’intelligence des arrests quelle ha prononcé sur ses productions, & la raison pour quoy elle l’ha fait : nous monstrerions grande inconstance de penser choses supernaturelles, la ou il ne les fault advouër. Car si c’est chose qui se demonstre à noz sens, ce sera luy faire tort de chercher cinq pieds en un mouton, à qui elle n’en ha baillé que quatre. Toutesfois il n’y eut onc assemblee d’hommes vivants d’autre maniere que le peuple commun, suyvants une maniere superstitieuse, ou il n’y ait eu quelque secret. Et les Druydes n’avoyent-ils pas plusieurs choses reservees à eux ? Et les Vestales ne sçavoyent-elles pas bien que sans donner nourriture à leur feu qu’il se fust estainct ? Il fault doncques croire que les Augures & tels autres contemplateurs d’oyseaux en vie, ou morts, avec telles autres bestes s’entr’estoyent donné le mot du guet, tel possible comme en toutes assemblees de ce temps cy : & qu’ils faisoyent entendre aux ignorants qu’il n’appartenoit à quelcun avoir puissance de faire bien ou mal par sa priere, s’il n’estoit bon observateur de toutes les ceremonies appartenantes à tel estat : & semble que cela se faisoit pour le regard de la dignité : Voulants que comme ceux qui ont occupé le supernaturel, soyent en plus grande authorité : & eux maintenants leur office, l’estimoyent de plus grand privilege, que de touts les autres qui sont en la juridiction des hommes.