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sont, & de petites, les crions deux fois plus grandes. Il semble à ouïr nostre vulgaire parlant de Necromantie, que ce soit la chose la plus espouventable du monde, & toutesfois c’est seulement une science qui print son origine de divination faicte par les charongnes des corps morts : qui depuis ha esté tournee à l’invocation des esprits. Tout ainsi l’art magic n’est ce que le vulgaire pense : car le sçavoir de telle science gist en l’Astrologie, attendu que les Magiciens ont esté ceux desquels avons aprins le cours des cieux, Soleil, Lune, Estoiles, & astres, & touts autres mouvements celestes. Cicero ha eu bonne grace à la fin du premier livre de divination, parlant des faux divinateurs, qui par mocquerie superstitieuse, promettent richesses, & thesors à autruy, qui toutesfois sont tousjours pauvres belistres, indigents, & malheureux. Les anciens avoient crainte de ceux que les Latins ont nommé Praestigiatores, ou Fascinatores, qui est chose conforme à ceux, lesquels, sans sçavoir pourquoy, disons Sorciers. Mais qu’on lise à la verité ce qui en estoit, & ce qui est advenu de telles fascinations, & prestigiatures, lon trouvera estre abbus sans aucun effect, non plus que ce qu’on raconte des sorciers. Tout homme contemplatif aura lieu de se moquer du peuple ignorant, qui pense que les sorciers ayent telle puissance, qu’on les estime avoir. Ja ha lon veu que plusieurs ont esté condamnez es païs de diverses langues, mais touts pauvres idiots hommes forcenez. Ja ha lon ouï les jugements de la condamnation de plusieurs, par lesquels lon trouvera que les pauvres gents avoyent l’esprit transporté & troublé. Or faut il de deux choses l’une, que s’ils font nuisance, ce soit pour la vertu de quelque drogue venimeuse baillee par la bouche, ou autrement appliquee : mais selon cela conviendroit la nommer poison, & eux empoisonneurs. Ou bien nuisent par paroles prononcees, c’est à dire par invocations : & si par invocations, il fauldroit nommer cela enchantement, & eux enchanteurs : Lon n’a pas souvent veu que gents de grande qualité ayent esté accusez de sortilege : mais tousjours un tas de pauvre quenaille, & gents villageois. Et à dire le vray, un homme de bon jugement n’apliquera son esprit à choses si foles. Et à fin qu’un tas de pauvres gents de village ne s’y appliquent, nous avons coustume de le leur defendre une fois la sepmaine. Ceste maniere de parler d’user d’enchantement & de sorcelerie ainsi prononcee en ceste langue, est dicte sans que plusieurs sçachent l’origine des dictions. Parquoy pensons que enchanter n’est autre chose que prononcer ses veuz, requestes, & oraisons aux Dieux, qu’on invoque en chantant. C’est de la qu’on ha inventé tant de faintises poëtiques, comme est en Virgile de Meduse, & de l’enchanteresse Circé, qui part art magic mua les compagnons d’Ulisses en pourceaux : Carminibus Circe (dit il) socios mutavit Ulissis. Et elle qui se tenoit en la montaigne Circee pres de Caiete, monstroit faire choses admirables, & effects merveilleux, au moins s’il est vray, ce qu’ils en ont pensé. Car Virgile dit en outre que par ses chansons elle pouvoit gaster les bleds, & les transposer de lieu en autre. Atque satas (dit il) alio vidi traducere messes. Aussi dit que les hommes en estoyent infects, & les pensees des hommes troublees : & que sans poison, ne breuvage, & sans faire playe, le sang humain en estoit espandu : & que par ses seules conjurations suffoquoit les hommes, & les faisoit mourir. Voila donc comment les anciens pensoyent que les enchantements se feissent par chansons. Carmina vel coelo (dit Virgile) possunt deducere luna. Cecy est ce qui ha esmeu tant de gents à parler du trou de la Sibille : car comme chascun veult repeter quelque souvenance