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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

second) me répondit : « Lorsque j étais jeune, et même jusqu’à un âge avancé, j’ai été plongé dans une profonde ignorance du bien et du mal, et {dans cet intervalle sans doute j’ai souvent dû déplaire au Grand-Esprit. J’implore sincèrement mon pardon. Mais toutes les fois que j’ai reconnu qu’une chose était mauvaise, je l’ai aussitôt bannie de mon cœur. Je ne me souviens pas que de ma vie j’aie offensé le Grand-Esprit de propos délibéré. » Est-il dans notre vieille Europe beaucoup de chrétiens qui puissent se rendre un pareil témoignage ? Je n’ai pu découvrir parmi ces gens le moindre vice répréhensible, si ce n’est les jeux de hasard, dans lesquels ils risquent souvent tout ce qu’ils possèdent. Ces jeux ont été abolis à l’unanimité, aussitôt que je leur eus expliqué qu’ils étaient contraires au commandement de Dieu qui dit : « Vous ne désirerez aucune chose qui appartient à votre prochain. » Ils sont scrupuleusement honnêtes dans leurs ventes et achats ; jamais ils n’ont été accusés d’avoir commis un vol ; tout ce qu’on trouve est porté à la loge du chef, qui proclame les objets et les remet au propriétaire. La médisance est inconnue même aux femmes ; le mensonge surtout leur est odieux. Ils craignent, disent-ils, d’offenser Dieu, c’est pourquoi ils n’ont qu’un cœur, et ils abhorrent une langue fourchue (un menteur). Toute querelle, tout emportement serait puni avec sévérité. Nul ne souffre sans que