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VOYAGES

et raboteux, où chaque pas offre la chance d’une chute. Nous le suivîmes l’espace de dix-sept milles sur le flanc d’une montagne inclinée à un angle de 45 degrés, au-dessus d’un torrent qui s’élançait avec fracas et en cascades à des centaines de pieds plus bas que notre route. Le défilé était si étroit, et les montagnes de chaque côté si hautes, que le soleil avait peine à y pénétrer pendant une ou deux heures de la journée. Des forêts de pins comme ceux de Norwège, de sapins à baume, de peupliers ordinaires, de cèdres, de mûriers et de plusieurs autres arbres couvrent la pente de ces montagnes.

Le 10, après avoir traversé une haute montagne, nous arrivâmes sur les bords de la Rivière-à-Henri, l’un des principaux tributaires de la Rivière-au-Serpent. La masse des neiges fondues pendant les chaleurs de juillet avait gonflé ce torrent à une hauteur prodigieuse. Ses eaux mugissantes s’élançaient avec fureur et blanchissaient de leur écume de gros blocs de granit qui leur disputaient vainement le passage. Ce spectacle n’intimida pas nos sauvages et nos Canadiens ; accoutumés à ces sortes de périls, ils se précipitèrent à cheval dans le torrent et le passèrent à la nage. Je n’osais me hasarder à faire de même ; pour me passer, ils firent une espèce de sac avec ma loge de peau, ils y mirent tous mes effets et me placèrent dessus. Les trois Têtes-Plates qui s’étaient jetés à la nage pour guider ma frêle embarcation me dirent en