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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

granit in situ d’une grosseur prodigieuse, et couvre une surface de plusieurs milles d’étendue ; il est entièrement découvert de la cime jusqu’à la base. C’est le grand registre du désert ; car on y lit en gros caractères le nom de tous les voyageurs qui y ont passé ; le mien y figure en qualité de premier prêtre qui ait parcouru ces plages lointaines. Pendant plusieurs journées, nous avions à notre droite une chaîne de ces roches nues, bien proprement appelées les montagnes Rocheuses ; ce ne sont que rochers entassés sur rochers ; on dirait qu’on a sous les yeux les ruines d’un monde entier recouvertes comme d’un linceul par des neiges éternelles.

Le 19, nous découvrîmes les Montagnes-au-Vent où la caravane a son rendez-vous et se sépare ; nous en étions cependant encore éloignés de neuf journées de marche. Tous les jours, nous nous apercevions que le froid était de plus en plus sensible, et le 24, nous traversâmes des plaines couvertes déneige. Le lendemain nous nous rendîmes des eaux tributaires du Missouri sur celles du Colorado, qui se jette dans la mer Pacifique par la Californie, à deux degrés plus au sud que la Nouvelle-Orléans. Le passage à travers les montagnes est presque inaccessible ; il a de cinq à vingt-cinq milles de largeur, et quatre-vingts de longueur. On calcule que ces montagnes ont de vingt à vingt-quatre mille pieds au-dessus du niveau de l’océan Atlantique.

Le 30, j’arrivai au rendez-vous, où une bande des