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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

monde transatlantique. Les gorges et les vallées de cette vaste chaîne donnent asile à un grand nombre de tribus sauvages, dont plusieurs ne sont que les restes mutilés de différents peuples, jadis paisibles possesseurs des prairies, et maintenant refoulés par la guerre dans des défilés prèsque inaccessibles, où la spoliation n’essayera plus de les poursuivre.

Ce désert de l’ouest, tel que je viens de le décrire, semble devoir défier l’industrie de l’homme civilisé. Quelques terres, plus heureusement situées sur le bord des fleuves, seraient peut-être avec succès soumises à la culture ; d’autres pourraient se changer en pâturages aussi fertiles que ceux de l’est ; mais il est à craindre que, dans sa presque totalité, cette immense région ne forme comme un océan entre la civilisation et la barbarie, et que des bandes de malfaiteurs, organisées comme les caravanes des Arabes, n’y exercent impunément leurs déprédations. Ce sera peut-être un jour le berceau d’un nouveau peuple, composé des anciennes races sauvages et de cette classe d’aventuriers, de fugitifs et de bannis que la société repousse de son sein, population hétérogène et menaçante, que l’Union Américaine amoncelle comme un sinistre nuage sur ses frontières, et dont elle accroît sans cesse l’irritation et les forces en transportant des tribus entières d’Indiens, des rives du Mississipi où ils ont pris naissance, dans les solitudes de l’ouest qu’elle leur assigne pour exil. Ces sauvages