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VOYAGES

qu’une faible idée. C’était vraiment comme la foire du monde entier, rassemblée dans une de ses plus belles plaines. J’admirais le pas lent et majestueux de ces lourds bœufs sauvages, marchant en file et en silence, tandis que d’autres broutaient avec avidité le riche pâturage qu’on appelle l’herbe courte des buffles. Des bandes entières étaient couchées sur l’herbe au milieu des fleurs ; toute la scène réalisait en quelque façon l’ancienne description de l’Écriture-Sainte, parlant des vastes contrées pastorales de l’Orient, où il y avait des animaux sur mille montagnes. Je ne pouvais me lasser de contempler cette scène ravissante, et pendant deux heures je regardai ces masses mouvantes avec le même étonnement Tout à coup l’immense armée parut éveillée ; un bataillon donnait l’épouvante à l’autre ; toute la troupe était en déroute, fuyant de tous côtés. Les buffles avaient eu vent de leur ennemi commun : les chasseurs s’étaient élancés au grand galop au milieu d’eux. La terre semblait trembler sous leurs pas, et les bruits sourds que l’on entendait étaient semblables aux mugissements lointains du tonnerre. Les chasseurs tiraient à droite et à gauche ; ils firent un grand carnage parmi les plus superbes de ces animaux. Je retournai avec eux au camp. Ils avaient chargé plusieurs chevaux d’une provision de langues de buffles, de bosses, de côtes, etc., abandonnant le reste aux loups et aux vautours. Nous dressâmes nos tentes à une petite distance de