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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

qui étaient tombés en combattant contre leurs ennemis héréditaires les Sioux, les Sheyennes ou les Osages. Ces tombeaux étaient ornés de crânes de buffles peints en rouge ; le cadavre est assis dans une petite cabane faite de joncs et de branches d’arbres, et fortement travaillée pour empêcher les loups d’y pénétrer. La figure est barbouillée de vermillon, le corps est couvert de ses plus beaux ornements de guerre, et à côté on voit des provisions de toute espèce : viandes sèches, tabac, poudre et plomb, fusil, arc et flèches. Pendant plusieurs années, les familles viennent au printemps renouveler ces provisions. Ils ont l’idée que l’âme voltige longtemps dans le voisinage du lieu où le corps repose, avant qu’elle prenne son essor vers le pays des esprits.

Après sept jours de marche le long de la Plate, nous arrivâmes dans les plaines habitées par les buffles. De grand matin je quittai seul le camp pour en avoir une vue plus à mon aise ; j’en approchai par des ravins, sans me montrer et sans leur donner le vent, qui m’était favorable. C’est l’animal qui a l’odorat le plus subtil ; il lui fait connaître la présence de l’homme à la distance de quatre milles, et aussitôt il s’enfuit, cette odeur lui étant insupportable. Je gagnai inaperçu une haute colline, semblable par sa forme au monument de Waterloo ; de là je jouissais d’une vue libre d’environ douze milles à l’entour. Cette vaste plaine était tellement couverte d’animaux, que les marchés ou les foires d’Europe ne vous en donneraient