Page:Pierre-Jean De Smet - voyages aux Montagnes Rocheuses.djvu/432

Cette page a été validée par deux contributeurs.
384
TRADITIONS, MOEURS ET COUTUMES

dans mon excursion, je rencontrai un vieillard nonagénaire qui s’arrêta d’abord à mon approche, me regardant avec un étonnement mêlé de joie. Il avait jugé à mon habit que j’étais prêtre ; et lorsque je l’eus confirmé dans son idée : « Ah ! mon père, s’écria-t-il, je suis catholique ; il y a bien des années que je n’ai pas eu le bonheur de voir un prêtre ; je l’ai désiré avec tant d’ardeur avant de mourir ! Aidez-moi donc à me réconcilier avec Dieu !… » Je satisfis avec empressement à sa demande, nous versions tous deux d’abondantes larmes. Il me reconduisit ensuite vers le bateau, et je me séparai de ce bon vieillard ; mais je ne puis vous dire la consolation que je goûtai dans cette heureuse rencontre.

Lorsque nous arrivions et comme on déchargeait nos effets, on apporta à bord un jeune homme très-dangereusement malade ; il était déjà tard, et, à cause de nos bagages, je ne pouvais me rendre à la cabane que le grand chef de la nation nous avait fait préparer. Le jeune homme souffrait beaucoup pendant la nuit ; quoique inconnu, j’entrai dans sa chambre pour le soulager ou le consoler. J’appris qu’il était catholique et qu’il avait reçu d’un de ses oncles, ecclésiastique zélé, une éducation chrétienne ; de plus, il avait toujours conservé une grande dévotion envers la Mère de Dieu. Depuis six ans il voyageait dans les montagnes, au milieu de différentes nations, et n’avait point vu de prêtre. Je n’eus