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UNE ANNÉE DE SÉJOUR

taient leur attention ; il fallut répondre à mille questions, et raconter tous les détails de mon long voyage.

Je n’ai plus que quelques mots à ajouter. Depuis ma dernière lettre, j’ai baptisé une cinquantaine de petits enfants, principalement dans les forts. L’eau du fleuve était basse, les bancs de sable et les chicots arrêtaient à chaque instant le bateau, et le mettaient parfois en danger d’échouer. Déjà les pointes de rochers cachées sous l’eau l’avaient percé de trous ; les innombrables chicots qu’il fallait franchir à tout risque avaient brisé les roues et les parties qui les couvrent ; un vent violent avait renversé la cahute du pilote, et l’aurait jetée dans le fleuve,

si l’on n’eût eu soin de l’attacher avec de gros câbles ; enfin le bateau ne présentait plus qu’un squelette, lorsque après quarante-six jours de travail pénible, plutôt que de navigation, j’arrivai sans autre accident à Saint-Louis[1]. Le

  1. Il y a un peu plus d’un siècle, tout le bassin du Mississipi appartenait à la couronne de France. Il s’appelait Louisiane du nom de Louis XIV, qui y avait fondé une colonie française. La moitié de la vallée, vers le nord, formait la « Haute-Louisiane » ou les « Illinois ». À cette époque, le siège du gouvernement était à la Nouvelle-Orléans. D’Abadie, alors gouverneur général de cette contrée, accorda à Pierre Liquest-La Clède et à ses associés de la Compagnie de pelleteries de la Louisiane {The Louisiana Fur Company), le privilège de traiter avec les Indiens qui vivaient à l’Ouest du Mississipi, et il leur permit en même temps d’établir autant de bureaux