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UNE ANNÉE DE SÉJOUR

jusqu’à dix ou onze heures du soir, et alors, sans feu, sans abri, chacun se disposait de son mieux au repos.

Il me semble que je vous entends me demander : Mais comment dans ce désert pouviez-vous pourvoir à votre subsistance ? Voici un petit extrait de mon journal qui vous délivrera de toute inquiétude à cet égard. Du 25 août au 10 septembre, nous tuâmes en passant, et pour notre usage :

3 Belles vaches en fort bon état.
2 Gros bœufs, pour la langue et les os à moelle.
2 Grands cerfs.
3 cabris.
1 Chevreuil à queue noire.
1 Grosse-corne ou mouton.
2 Ours très-gras.
1 Cygne qui pesait environ 25 livres.
Sans parler des faisans et des poules.

Cette petite carte de traiteur doit vous convaincre qu’on ne meurt pas de faim par ici ; j’ajouterai que, dans ce pays de gibier, on ne songe guère ni au pain, ni au café, ni à tout ce que vous pouvez appeler les douceurs de la vie : les bosses des buffles, les langues et les côtes tiennent lieu de tout cela. Et le lit ? Il ne nous embarrasse pas davantage : ici l’on ne se déchausse pas ; on s’enveloppe dans son manteau de buffle, la selle sert d’oreiller, et grâce aux fatigues d’une longue course d’environ quarante milles sous un ciel brûlant, on se couche et l’on s’endort au même instant.