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UNE ANNÉE DE SÉJOUR

naire catholique. Je ne reviendrai pas sur la description que j’ai déjà faite de ces régions : c’est peut-être le plus dangereux des déserts, et bien certainement le théâtre d’innombrables scènes tragiques, de combats, de guets-apens, de meurtres, de carnage et de toutes sortes de cruautés. À chaque pas l’interprète Corbeau, qui avait séjourné onze ans dans le pays, régalait sa petite compagnie de quelque trait de ce genre, montrant du doigt l’endroit même où la chose s’était passée. Dans notre situation présente, ces récits n’avaient guère de quoi m’amuser : tous roulaient sur des massacres et des surprises, et je ne pouvais me défendre de penser qu’à chaque instant nous-mêmes pouvions devenir les victimes d’une attaque semblable. C’est ici principalement que les Corbeaux, les Pieds-noirs, les Sioux, les Cheyennes, les Assiniboins, les Arrikaras et les Minatarees, vident leurs querelles interminables, se vengeant et se revengeant sans cesse les uns sur les autres.

Après six jours de marche, nous nous trouvâmes sur le lieu même d’une tuerie toute récente. Les membres sanglants de dix Assiniboins, morts trois jours auparavant, étaient éparpillés çà et là, et presque toutes les chairs avaient été dévorées par les loups et les oiseaux carnassiers. À la vue de ces ossements et des vautours qui planaient au-dessus de nos têtes, j’avoue que le peu de courage dont je me croyais animé sembla entière-