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UNE ANNÉE DE SÉJOUR

Notre-Seigneur Jésus-Christ, et la cause de sa mort sur la croix. Ensuite je remis mon crucifix entre les mains du grand chef ; il le baisa de la manière la plus respectueuse, et les yeux levés vers le ciel, pressant avec ses deux mains le Christ sur son cœur, il s’écria : « Grand-Esprit, aie pitié de tes pauvres enfants, et fais-leur miséricorde. » Tous les siens suivirent son exemple.

Je me trouvais dans le village des Corbeaux, lorsqu’on annonça que deux de leurs plus vaillants guerriers venaient de périr victimes d’une trahison des Pieds-noirs. Des hérauts firent le tour du camp, proclamant à haute voix les circonstances du combat et la fin tragique des deux braves. Un morne silence régnait partout, mais bientôt il fut interrompu par un spectacle aussi hideux pour nous, que propre, selon eux, à émouvoir les cœurs les plus insensibles, et à exciter dans l’âme des guerriers le sentiment de la vengeance. Les mères, les épouses, les sœurs et les filles des sauvages massacrés se présentèrent tout à coup en public, la tête rasée, le visage ensanglanté, tout le corps couvert de blessures qu’elles s’étaient faites. Dans cet état pitoyable, elles remplissaient l’air de leurs lamentations et de leurs cris, conjurant leurs parents, leurs amis, leurs connaissances, d’avoir pitié d’elles, de leur faire la faveur, c’est-à-dire de leur procurer une prompte et terrible vengeance, le seul remède à