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CHEZ LES TRIBUS INDIENNES

J’eus ensuite de longues conférences avec tous les chefs réunis en conseil ; je leur proposai l’exemple des Têtes-plates et des Pends-d’oreilles, dont les chefs se faisaient un devoir d’exhorter leur peuplade à la pratique des vertus, et ne craignaient pas de déployer au besoin, dans l’intérêt même des coupables, une juste sévérité. Ils me promirent de suivre mes avis, m’assurant que je les trouverais mieux disposés à mon retour. J’ai lieu de croire que cette visite, le bon exemple de mes néophytes, et surtout les très-ferventes prières des Têtes-plates, opéreront du changement parmi les Corbeaux. Une de leurs bonnes qualités, sur laquelle je fonde beaucoup d’espérance, c’est qu’ils ont résisté avec courage à l’importation des liqueurs enivrantes dans leur tribu : « À quoi bon votre eau de feu ? disait leur chef aux marchands qui l’importunaient. Elle brûle la gorge et l’estomac ; elle rend l’homme semblable à un ours ; dès qu’il en a goûté, il mord, il grogne, il hurle, et finit par tomber comme un cadavre. Votre eau de feu ne fait que du mal. Portez-la à nos ennemis, et ils s’entre-tueront, et leurs femmes et leurs enfants feront pitié. Quant à nous, nous n’en voulons pas ; nous sommes assez fous sans elle. »

Une scène très-touchante eut lieu pendant que le conseil était réuni. Plusieurs sauvages voulurent examiner ma croix de missionnaire, et j’en pris occasion de leur expliquer les souffrances de