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UNE ANNÉE DE SÉJOUR

faire les préparatifs de mon long voyage. À mon départ, dix néophytes se présentèrent devant ma loge, pour me servir d’escorte et m’introduire parmi les Corbeaux.

Le soir du surlendemain, nous nous trouvâmes au milieu de cette nombreuse peuplade. Ils nous avaient aperçus de loin ; quelques-uns d’entre eux me reconnurent. Au cri : la Robe-noire ! la Robe-noire ! tous, grands et petits, au nombre d’environ trois mille, sortirent de leurs loges comme les abeilles de la ruche. À mon entrée dans le village, je devins le sujet d’une scène assez singulière : les chefs et une cinquantaine des plus signalés entre les braves s’empressèrent de m’entourer et m’arrêtèrent tout court ; l’un me tirait à droite, l’autre à gauche, un troisième me tenait par la soutane, un quatrième, aux formes et à la taille athlétiques, voulait m’enlever et me porter sur ses bras ; tous parlaient à la fois et semblaient se quereller. Ne comprenant rien à leur langage, je ne savais trop si je devais être gai ou sérieux. L’interprète vint bientôt me tirer d’embarras, et m’apprit que toute cette confusion n’était qu’un signe de politesse et de bienveillance à mon égard, chacun voulant avoir l’honneur de loger et de nourrir la Robe-noire. Sur son avis, je fis le choix moi-même. Je ne l’eus pas plutôt indiqué, que les autres lâchèrent prise, et je suivis le principal chef dans sa loge, la plus grande et la plus belle du camp. Les Corbeaux ne tardèrent pas à