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UNE ANNEE DE SÉJOUR

car le révérend M. Deniers les avait déjà visités deux fois avec le plus grand succès. Le grand chef et sa femme avaient soupiré depuis longtemps eux-mêmes après le baptême ; je le leur conférai et leur donnai les noms de Martin et de Marie. C’est l’un des chefs les plus fervents et les plus intelligents que j’aie rencontrés dans les pays sauvages.

L’œuvre de Dieu ne se propage pas sans contradiction ; mes visites les plus heureuses ont toujours été signalées par quelques rudes épreuves. Je m’attendais à quelque accident, lorsque le 13 mai je partis, accompagné de Charles, l’interprète Tête-plate, et de Martin, le chef Skuyelpi, pour la nation des Okanakanes, qui avaient vivement désiré depuis longtemps de recevoir la visite d’un prêtre. Comme j’allais traverser le Columbia, ma mule retourna à terre et se jeta au grand galop dans la forêt. Charles se mit à sa poursuite : deux heures après, on vint m’annoncer qu’on avait trouvé mon interprète mort dans la prairie. Je courus en toute hâte vers la plaine, et ayant aperçu de loin un grand rassemblement de monde, je le rejoignis tout haletant et j’eus le bonheur d’y trouver Charles, donnant encore signe de vie, mais sans connaissance et dans un état pitoyable. Une bonne saignée et quelques jours de repos le rétablirent, et nous reprîmes notre route vers les Okanakanes. Cette fois la mule eut une bonne corde au cou, et la traversée se fit sans accident. Nous suivions un