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CHEZ LES TRIBUS INDIENNES

prière du matin et du soir. Leur chef, Nez-percé d’origine, m’invita à passer la nuit dans sa loge, et me traita avec l’hospitalité la plus bienveillante. Dans la soirée, je remarquai qu’il avait l’air sombre ; tout à coup il se leva, et se mit à faire en présence d’un grand nombre de personnes une espèce de confession publique de toute sa vie. « Robe-noire, me dit-il, tu te trouves dans la loge du plus méchant et du plus malheureux des hommes ; tout le mal qu’un homme puisse faire sur la terre, je crois que je m’en suis rendu coupable ; j’ai même assassiné plusieurs de mes proches parents. Depuis, il n’y a eu que trouble, amertume et remords au fond de mon cœur. Pourquoi le Grand-Esprit ne m’écrase-t-il pas ? À quoi bon la vie, s’il n’y a ni pardon ni miséricorde pour moi après ma mort ? »

Ces paroles et l’accent du désespoir qui les animait m’arrachèrent des larmes de compassion.

« Pauvre infortuné ! lui répliquai-je, ton sort est vraiment à plaindre ; mais tu aggraves ton malheur en croyant qu’il n’y a plus de pardon pour tes crimes ; c’est le démon, notre ennemi, qui t’inspire ces désolantes pensées ; ne l’écoute pas, car il voudrait te précipiter dans l’enfer. Le Grand-Esprit, qui nous a créés, est un père infiniment bon et miséricordieux, il ne veut pas la mort du pécheur, mais plutôt qu’il se convertisse et qu’il vive ; il nous reçoit avec amour, malgré nos offenses, n’importe leur