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VOYAGES

quant les distances par journées, demi-journées et quarts de journée. Ces plans leur servent à régler en conseil leurs excursions lointaines pour la guerre ou pour la chasse. Leur seule astronomie consiste à pouvoir montrer l’étoile polaire, qui est leur guide dans les voyages de nuit.

Les songes, chez les Indiens, sont l’objet d’une grande vénération : selon eux, le songe est la voie ordinaire dont se servent le Grand-Esprit et les manitous, pour faire connaître à l’homme leur volonté, pour le guider par des conseils salutaires, et pour lui donner l’intuition de l’avenir. Partant de cette idée, et regardant le songe, ou comme un désir de lame inspiré par le Génie, ou comme un ordre émanant directement de lui, ils établissent en principe que c’est un devoir religieux d’y obéir ponctuellement. Un sauvage, dit Charlevoix dans son journal (et j’ai connu des cas semblables), ayant rêvé qu’il se faisait couper un doigt, le fit couper en effet le lendemain, après s’y être préparé par le jeûne. Un autre, s’étant vu prisonnier dans un rêve, ne savait à quoi s’en tenir : il consulta les jongleurs, et, sur leur avis, se fit lier à un poteau pour être brûlé en différentes parties du corps. Parmi les Corbeaux, j’ai vu un guerrier qui, à cause d’un songe, a pris des vêtements de femme, et s’est assujetti à tous les devoirs et travaux qu’exige un état si humiliant pour un Indien. Au contraire, chez les Serpents, une femme rêva un jour qu’elle était homme et qu’elle tuait des